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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/111

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pas morte en elle, et qu’elle n’est pas entièrement vicieuse et dénaturée.

Un criminel qui, par un sentiment d’honneur et de fidélité pour ses complices, refuse de les déclarer, et qui, plutôt que de les trahir, endure les derniers tourments et la mort même, a certainement quelques principes de vertu, mais qu’il déplace. C’est aussi le jugement qu’il faut porter de ce malfaiteur qui, plutôt que d’exécuter ses compagnons, aima mieux mourir avec eux.

Nous avons vu combien il était difficile de dire de quelqu’un qu’il était un parfait athée ; il paraît maintenant qu’il ne l’est guère moins d’assurer qu’un homme est parfaitement vicieux. Il reste aux plus grands scélérats toujours quelque étincelle de vertu ; et un mot, des plus justes que je connaisse, c’est celui-ci : « Rien n’est aussi rare qu’un parfaitement honnête homme, si ce n’est peut-être un parfait scélérat : car partout où il y a la moindre affection intègre, il y a, à parler exactement, quelque germe de vertu. »

Après avoir examiné ce que c’est que la vertu en elle-même, nous allons considérer comment elle s’accorde avec les différents systèmes concernant la divinité.



PARTIE TROISIÈME.


SECTION I.



Puisque l’essence de la vertu consiste, comme nous l’avons démontré, dans une juste disposition, dans une affection tempérée de la créature raisonnable pour les objets intellectuels et moraux de la justice, afin d’anéantir ou d’énerver en elle les principes de la vertu, il faut :

1° Ou lui ôter le sentiment et les idées naturelles d’injustice et d’équité ;

2° Ou lui en donner de fausses idées ;

3° Ou soulever contre ce sentiment intérieur d’autres affections.