Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/429

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soleil, la nuit s’en approchant amène son repos. Il n’y a point d’état qui n’ait ses douceurs, pourvu que le cœur ne reproche rien… Et voilà ce qui fait qu’il n’y a plus de bonheur pour mon pauvre Beverley. Il a plongé dans la misère ceux qu’il aime. Cette cruelle pensée l’obsède et le tourmente. Ah ! si je pouvais soulager son âme de ce fardeau.

CHARLOTTE.

Quand il n’aurait nui qu’à lui seul, il serait juste qu’il en portât la peine… C’est mon frère ; mais quand je pense à sa conduite, au bien que vous lui avez apporté, à celui dont il jouissait, à l’emploi qu’il en a fait… Une richesse énorme absorbée par la plus vile des passions, dévorée par les derniers des misérables ! Je n’y tiens pas… Ma petite fortune reste entière au milieu de cette ruine ; du moins il le dit. Encore si j’y pouvais compter !

MADAME BEVERLEY.

Ce serait lui faire injure que d’en douter.

CHARLOTTE.

Je ne sais si mon doute serait une injure ; mais il est sûr que ma confiance fut une sottise. Mais je prétends retirer tout d’entre ses mains, et dès aujourd’hui ; l’occasion que j’ai de m’en servir n’est que trop pressante et trop triste.

MADAME BEVERLEY.

Et quelle est cette occasion ?

CHARLOTTE.

Celle qui m’est offerte par votre situation : une sœur à secourir.

MADAME BEVERLEY.

Cela ne se peut, mon amie. Je suis fâchée de refuser votre secours ; mais il le faut. Votre fortune doit être la récompense d’un homme qui vous est cher et à qui vous avez promis votre main. Elle appartient au tendre et généreux Leuson, et non pas à moi. Votre dessein n’est-il pas de le rendre heureux ?

CHARLOTTE.

Quoi ! au moment où ma sœur vient de tomber dans la misère ?

MADAME BEVERLEY.

Mais vous voyez mal. Je ne suis pas autant à plaindre que vous l’imaginez. N’ai-je pas mes diamants ? Eh bien, je les ven-