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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/460

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BEVERLEY.

J’ai… la ruine d’un ami là ; elle fut amenée par mon avarice et par sa faiblesse.

LEUSON.

Sa ruine ! ce n’est rien ; mais son déshonneur est autre chose. Il est déshonoré et toute sa richesse ne l’en relèvera pas.

BEVERLEY.

Non pas celle que je lui coûte… Voilà ces soupçons dont Stukely m’a jeté un mot ce matin… Mais d’où vous viennent-ils ?

LEUSON.

Ce Stukely et moi nous nous connaissons de longue main : c’était dans sa jeunesse un sournois, dur, fourbe, avare et cruel, indolent sur ses devoirs, prompt à faire le mal, adroit à tramer des méchancetés et à en détourner le châtiment sur les autres. Il arrangeait les choses de manière qu’il était communément récompensé pour une scélératesse qu’il avait commise, et qui valait cent coups d’étrivières à l’un ou l’autre de ses camarades innocents. Qu’on me montre un seul enfant de ce tour d’esprit et de ce caractère dont la dépravation ne se soit pas accrue avec l’âge… Au reste, je me charge de vous démasquer cet homme, et en attendant je crois qu’il est prudent de se tenir sur ses gardes… Pour moi, qui le connais, je l’ai toujours évité.

BEVERLEY.

Comme j’éviterais ceux qui noircissent les hommes mal à propos… Monsieur, vous vous occupez de beaucoup de choses ?

MADAME BEVERLEY.

Mon ami, il eût été plus doux et mieux de dire à monsieur qu’il se trompait peut-être.

LEUSON.

Madame, cela est indifférent ; je puis entendre une vivacité, et même en approuver la franchise… Qu’il est triste que tant d’amitié soit si déplacée !

BEVERLEY.

Encore, monsieur ! vous avez aussi vos vivacités, à ce que je vois, et qu’il faut souffrir. Leuson, vous êtes injuste envers Stukely et vous en aurez du regret.