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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/461

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CHARLOTTE.

Sans doute, si cette injustice se prouve jamais. Le monde est plein d’hypocrites.

BEVERLEY.

J’entends, et à votre avis, Stukely en est un. Je ne puis supporter plus longtemps ces discours… ils blessent mon cœur et mon ami… Je l’ai ruiné ; je l’ai perdu… faut-il encore…

LEUSON.

Ce n’est pas tout à fait ce qu’on dit dans le monde.

BEVERLEY.

Le monde ment. Mon amie, j’aurais un mot à vous dire. Ils en veulent à Stukely. Ne gênons pas leur haine.

CHARLOTTE.

La gêner ! Non, non. Si nous avions besoin de motifs de l’exercer, nous en trouverions partout, ici, là dedans… Monsieur, par ici.

LEUSON.

Mon ami, une autre fois vous me remercierez. Le temps n’en est pas encore venu, mais il s’approche. (Charlotte et Leuson sortent.)

BEVERLEY.

Je ne saurais vous dire jusqu’où je suis choqué… Si Stukely est faux, il n’y a plus d’honnêteté sur la terre. Non, non. Ce serait pécher contre le ciel que d’en avoir la pensée.

MADAME BEVERLEY.

Je n’ai jamais douté de lui.

BEVERLEY.

Je le crois, c’est que vous êtes la bonté même, la patience, la douceur. Ces vertus se sont établies dans votre cœur ; et elles y régnent à côté de la tendresse, d’une tendresse inaltérable… Ah ! pourquoi vous ai-je ruinée !

MADAME BEVERLEY.

Vous ne m’avez point ruinée. Il ne me manque rien quand je vous ai. Votre présence est le seul bien que je souhaite, le seul besoin que je sente, quand j’en suis privée. Ah ! mon ami, si vous pouviez vous résigner à votre sort, je serais riche, riche au delà des souhaits de l’avare.

BEVERLEY.

Femme charmante, tendre et généreuse amie… Mais le sou-