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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/506

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JARVIS.

Mais vous, à cette’heure, errant dans les rues, qu’y faites-vous ?… Votre épée tirée, je crois ?… Pour Dieu, monsieur, remettez-la… Cette vue me trouble.

BEVERLEY, l’esprit égaré.

Qui est-ce qui me parle ? Qu’ai-je entendu ?

JARVIS.

C’est moi, monsieur. Oserai-je vous prier de me confier votre épée ?

BEVERLEY.

Oui, tu peux la prendre. Prends-la vite… Que sais-je !… Maudit que je suis !… Mais peut-être ne suis-je pas assez abandonné du ciel pour cela… Peut-être que le ciel t’envoie pour arrêter mes mains et me sauver.

JARVIS.

Que je serais heureux !

BEVERLEY.

Jarvis, sois toujours heureux, et laisse-moi… Mon mal est contagieux ; prends garde… La malédiction s’échappe de moi, et se répand sur tout ce qui m’approche… Vois, vois… Prends garde.

JARVIS.

Je venais vous chercher.

BEVERLEY.

À présent que tu m’as trouvé, laisse-moi… Je suis dans un état singulier… Il me semble que je rêve… Il y a dans mes idées un désordre, une confusion dans mes pensées… Je ne veux pas qu’on trouble mon rêve.

JARVIS.

Cet état est funeste. Il faut en sortir.

BEVERLEY.

Je crains le réveil… Je ne veux pas me réveiller… Je ne le veux pas… Qui est-ce qui t’a envoyé ?

JARVIS.

Ma maîtresse, qui est désolée.

BEVERLEY.

Est-ce qu’on prétendrait me subjuguer, me mener comme un enfant, me gronder, me marquer une heure ?… Je veux