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J’étais invité à aller dîner aujourd’hui à Châtillon, avec M. et Mme de Trudaine, qui ont de l’amitié pour moi. Je m’en suis excusé comme j’ai pu ; mais tout cela n’est que reculer pour mieux sauter. Oh ! cette pièce a fait une diable de sensation. Comme un autre en tirerait bon parti pour se fauliler avec toute la terre ! Cela ne m’arrivera pas, ou je changerais bien. Je n’ai pourtant pas pu me tirer des avances et des cajoleries de M. et de Mme de Salverte. J’en suis à mon second voyage à leur maison de campagne, une des plus agréables qu’il y ait aux environs de Paris ; elle est située comme la maison du père Lachaise : Paris paraît avoir été bâti pour elle.

Bonsoir, bonnes amies ; aimez-moi toujours, malgré mon indignité. Portez-vous bien ; que M. Gras guérisse, et que ces maudites pluies-ci ne vous chagrinent pas. J’ai écrit à ma sœur pour avoir du vin ; à peine en fera-t-elle pour sa provision ; et si ce temps dure, il sera cher et détestable. Mais attendons, et voyons ce que les vendanges deviendront.


CXXV


Paris, le 11 septembre 1769
Mesdames et bonnes amies,

Je suis tout à fait sur les dents. Il est temps que Grimm arrive et que je lui remette le tablier de sa boutique. Je suis las de ce métier, et vous conviendrez que c’est le plus plat métier qu’il y ait au monde que celui de lire tous les plats ouvrages qui paraissent. On me donnerait aussi gros d’or que moi, et je ne suis pas des plus minces, que je ne voudrais pas continuer. Réjouissez-vous ; me voilà enfin tout à fait débarrassé de cette édition de l’Encyclopédie, grâce à l’impertinence d’un des entrepreneurs. M. Panckoucke, enflé de l’arrogance d’un nouveau parvenu, et croyant en user avec moi comme il en use apparemment avec quelques pauvres diables à qui il donne du pain, bien cher s’ils sont obligés de digérer ses sottises, s’est avisé de s’échapper chez moi ; ce qui ne lui a point réussi du tout. Je l’ai laissé aller tant qu’il a voulu ; puis me levant brus-