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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/87

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28 octobre 1761.


Il y a trois jours que j’ai cette lettre toute prête. Je l’écrivis chez Le Breton, au milieu des douleurs les plus aiguës que ma colique m’eût encore fait souffrir. Je comptais la porter le soir même chez Damilaville, mais le mal, le mauvais temps et l’heure m’en empêchèrent. Le lendemain, j’ai été alité. Hier, on me purgea. Aujourd’hui, jour de Saint-Simon, me voilà debout, habillé, arrivant ici, et ne ressentant plus de mon mal qu’une douleur sourde dans le ventre ; et, comme la diarrhée, les clystères, la boisson et la médecine m’ont entièrement affaibli, je ne marche pas trop ferme. Le repos et les aliments répareront tout en un moment.

Voilà un second coup de fouet que M. de Pompignan vient de s’attirer de l’homme de Genève, pour son maussade et impertinent conte qu’il a intitulé Éloge historique de M. de Bourgogne[1].

Joignez mes adieux aux vôtres, en quittant Uranie. Puisqu’elle nous a tous deux quand elle a l’un ou l’autre, en quittant l’un ou l’autre, elle nous quitte tous deux. Revenez. L’ennui et le malaise m’accablent. Je passe une partie des nuits à vous parler et à vous écrire, comme si je ne devais plus vous revoir. Cela n’est pas gai, mais cela est du moins fort tendre. N’allez pas compter ces instants entre les plus mauvais. Je sens alors combien vous m’êtes chère, et, par l’effet que je produis sur vous, je vois combien je suis chéri. Je vous ai dit des choses très-douces ; j’ai vu toute votre sensibilité, et le lendemain j’espère de vous revoir. Qui amant, ipsi sibi somnia fingunt. Le prémontré vous expliquera cela tout courant ; ce latin est encore à sa portée. Si cependant il s’était promis de plaire à l’une ou à l’autre, il prendrait cela pour un persiflage. Voyez, car il faut tout prévenir et prévoir.

  1. 1761, in-8. Le premier coup de fouet était les Car à M. Le Franc de Pompignan (octobre 1761) ; le second, les Ah ! Ah ! à Moïse Le Franc de Pompignan ; du même mois de la même année. (T.)