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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/305

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Le beau sujet pour un boudoir ou pour un salon qu’un gueux tout déguenillé ! Voilà les raisonnements qu’amènent le luxe et son petit goût. Quand je dis le luxe, j’entends celui qui masque la misère et non celui qui naît de l’abondance. Ils portent le même nom, mais ils ne se ressemblent point.

Mon ami, j’ai fait mon prône sur les amateurs, les honoraires et les académiciens, comme on a fait les règlements, en attendant qu’il y eût une Académie.

Vous respectez donc ceux qui travaillent pour la postérité et vous faites bien.

J’attends les têtes. Je les attends, et vous saurez ce que je pense d’elles, ce qu’on en dira, et ce que je pense de ce qu’on en aura dit.

Mais si le portrait de notre ours pouvait trouver place dans la grande ménagerie ? Qu’en pensez-vous ? Nous verrons ce que Le Moyne en dira.

Réponse à votre billet du 29 juillet. Tout est fait, au moins tout ce qui dépend de moi. Je sais bien que le Cortone, indigné contre des élèves qui s’honoraient de son travail, chassa les élèves et effaça ce qu’il y avait de peint à la galerie Barberini ; mais il fut, à mon sens, pusillanime et fou. Que d’ouvrages faits et à faire qui réclamaient déjà et qui doivent réclamer un jour contre la petite impertinence des élèves ! Je sais bien que Le Moyne, travaillant à son monument de Bordeaux, en fit autant que Pierre de Cortone : mais il convient qu’il fut pusillanime et fou, et que l’excès du travail dont il se chargea tout seul pensa lui coûter la vie. Vous vous tuerez, et cela pour faire taire des imbéciles qui prennent un manœuvre qui dégrossit un bloc pour un sculpteur. Est-ce qu’on ne connaît point ici Étienne Falconet ? Est-ce qu’on n’y connaît pas Fontaine ? Et que vous importe l’ignorance passagère ou durable de la foule des barbares qui vous entourent ? Se jeter dans la Néva pour un vol ? j’aimerais bien mieux y jeter le voleur. S’il arrive jamais à mon copiste de s’attribuer mon ouvrage, je me moquerai de lui ; mais s’il copie bien, je le garderai. On a commencé par dire : Il ne fera jamais rien de grand. Cela est vrai, on l’a dit et peut-être à Paris. Mais à présent qu’on voit ce grand qui pousse, on dit : C’est Fontaine qui fait tout ; mais où dit-on cela ? Pardieu ce n’est pas ici. C’est donc à Pétersbourg ? Mais ce n’est pas l’im-