Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/524

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maniere ; le travail y devient plus facile, & peut être plus long-tems continué.

Mais la découverte d’un terrein commode ne suffit point ; il faut que les espérances soient fortifiées par d’autres circonstances & par un grand nombre d’indications. Avant que de songer à établir des mines dans un pays, il faut s’assurer si le terrein contient des filons ou des veines métalliques ; les personnes versées dans la Minéralogie, ont observé que plusieurs signes pouvoient concourir à annoncer leur présence.

D’abord les endroits des montagnes où il ne vient que très-peu d’herbe, où les plantes ne croissent que foiblement, où elles jaunissent promptement, où les arbres sont tortueux & demeurent petits, semblent annoncer des filons. On observe pareillement les terreins où l’humidité des pluies, des rosées disparoît promptement, & où les neiges fondent avec le plus de célérité. On peut s’assurer par la vûe & par l’odorat des endroits d’où il part des exhalaisons minérales, sulphureuses & arsénicales ; tous ces signes extérieurs, quoique souvent trompeurs, commencent déjà à faire naître des espérances. On considere ensuite la couleur des terres, celles qui sont métalliques sont aisées à distinguer ; quelquefois elles sont chargées de fragmens de mines, qui ont été détachés par les torrens des filons du voisinage. Les sables des rivieres des environs doivent encore être examinés ; souvent ils contiennent des parties minérales & métalliques, qui ont été entraînées par les ruisseaux & par les torrens. On peut regarder au fond des ravins, pour voir quelle est la nature des pierres & des substances que les fontes des neiges & les pluies d’orage arrachent & entraînent. Il est encore important d’examiner la nature des eaux qui sortent des montagnes, pour voir si elles sont chargées de sels vitrioliques ; & l’on considérera leur odeur, les dépôts qu’elles font. Quoique tous ces signes soient équivoques, lorsqu’ils se réunissent, ils ne laissent point de donner beaucoup de probabilité qu’un terrein renferme des mines.

Nous ne parlerons point ici de la baguette divinatoire, dont on a la foiblesse de se servir encore dans quelques pays pour découvrir les mines ; c’est un usage superstitieux, dont la saine physique a désabusé depuis long-tems. Voyez Baguette divinatoire.

On pourra se servir avec beaucoup plus de certitude & de succès, d’un instrument au moyen duquel dans de certains pays on peut percer les roches & les terres à une grande profondeur ; c’est ce qu’on appelle la sonde des mines. Voyez Sonde. On en verra la figure dans les Planches de Minéralogie, qui représentent le travail des mines de charbon de terre.

Mais si l’on veut établir le travail des mines dans un pays où l’on sait par tradition, & par les monumens historiques, qu’il y en a déjà eu anciennement, on pourra opérer avec plus de sureté ; sur-tout si l’on découvre des débris, des scories & des rebuts d’anciens travaux : alors on saura plus certainement à quoi s’en tenir, que si on alloit inconsiderément ouvrir des mines dans un canton qui n’a point encore été fouillé.

Quelquefois les mines se montrent même à la surface de la terre, parce que leurs filons étant peu profonds, ont été dépouillés par les eaux du ciel qui ont entraîné les terres ou les pierres qui les couvroient ; ou parce que les tremblemens de la terre, les affaissemens des montagnes & d’autres accidens, les ont rompus & mis à nud.

Il faudra encore faire attention à la nature de la roche & des pierres dont sont composées les montagnes où l’on veut établir ses travaux. Une roche brisée & non suivie rendroit le travail couteux & in-

commode, par les précautions qu’il faudroit prendre

pour la soutenir & pour l’empêcher d’écrouler ; joignez à cela que les roches de cette nature fournissant des passages continuels aux eaux du ciel, détruisent peu-à-peu les filons de mines qui peuvent y être contenus.

On considérera aussi la nature des pierres & des substances qui accompagnent les mines & les filons. Les Minéralogistes ont trouvé que rien n’annonçoit plus sûrement un minerai d’une bonne qualité, que la présence de la pierre appellée quartz, qu’un spath tendre, la blende, quand elle n’est point trop ferrugineuse, une terre fine, tendre & onctueuse, que les Allemans nomment besteg, ainsi que les terres métalliques & atténuées qui remplissent quelquefois les fentes des rochers, & que l’on connoît sous le nom de guhrs.

C’est dans les filons, c’est-à-dire dans ces veines ou canaux qui traversent les montagnes en différens sens, que la nature a déposé les richesses du regne minéral. Nous avons suffisamment expliqué leurs variétés, leurs dimensions, leurs directions, leurs inclinaisons & les autres circonstances qui les accompagnent, à l’article Filons, auquel nous renvoyons le lecteur. On a aussi développé dans l’article Mine (minera), les idées les plus probables sur leur formation ; nous ne répéterons donc pas ici ce qui a été dit à ce sujet, nous nous contenterons de faire observer qu’il ne faut point toujours se flatter de trouver une mine d’une même nature dans toutes les parties d’une montagne ou d’un filon ; souvent elle change, totalement quelquefois : lorsqu’on aura commencé par trouver du fer, en continuant le travail, on rencontrera de l’argent ou des mines de plomb. Le célebre Stahl rapporte, dans son Traité du soufre, un exemple frappant des variations des mines ; il dit qu’à Schneeberg, en Misnie, on exploitoit avant l’an 1400, une mine de fer ; à mesure qu’on s’enfonçoit en terre, la mine devenoit d’une mauvaise qualité ; cela força à la fin les intéressés d’abandonner cette mine. Le travail ayant été repris par la suite des tems, on trouva que c’étoit l’argent qui y étoit en abondance, qui nuisoit à la qualité du fer que l’on tiroit de cette mine, & l’on obtint pendant 79 ans une quantité prodigieuse de ce métal précieux ; au bout de ce tems cette mine se trouva entierement épuisée, & fit place à du cobalt ou à de l’arsenic. Les Mineurs disent ordinairement que toute mine riche a un chapeau de fer, c’est-à-dire qu’elle a de la mine de fer qui lui sert de couverture.

Après avoir exposé quels doivent être les signes extérieurs qui annoncent la présence d’une mine, nous allons décrire les différens travaux de leur exploitation, tels qu’ils se pratiquent ordinairement. Le premier travail s’appelle la fouille, il consiste à écarter la terre supérieure qui couvre la roche ; lorsqu’on est parvenu à cette roche, on la creuse & on la détache avec des outils de fer, des ciseaux bien trempés, des maillets, des leviers ; & quelquefois lorsqu’elle est fort dure, on la fait sauter avec de la poudre à canon. Souvent au bout de tout ce travail on ne rencontre qu’une fente de la montagne, ou une vénule peu riche, au-lieu du filon que l’on cherchoit ; comme cela ne dédommageroit point des peines & des frais de l’exploitation, on est obligé de recommencer la même manœuvre, ou fouille, dans un autre endroit ; & l’on continue de même jusqu’à ce qu’on ait donné sur le vrai filon. Les souverains d’Allemagne, dans la vûe de favoriser le travail des mines, ont accordé de très-grandes prérogatives à ceux qui fouilloient pour découvrir des filons ; non seulement on leur donnoit des gratifications considérables lorsqu’ils découvroient quelque filon, mais encore on leur accordoit la faculté de fouiller dans