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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/527

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de l’or fin, il est certain qu’il seroit plus ductile ; mais comme les ouvrages deviendroient beaucoup plus lourds, & n’auroient pas tant de solidité, ni une aussi belle couleur, il faut l’allier (car nous remarquerons en passant, que plus les métaux sont durs, plus ils sont disposés à recevoir un beau poli). Avant qu’on travaillât l’or d’une couleur aussi rouge que celle qu’on lui donne aujourd’hui, l’or n’étoit pas si sujet à contracter des aigreurs, parce qu’alors on l’allioit avec de l’argent en totalité ou en partie ; mais depuis qu’on l’a voulu avoir d’un rouge extraordinaire, il a fallu l’allier avec le cuivre seul : or, comme l’or ne s’allie pas si facilement avec le cuivre qu’avec l’argent, il faut employer le cuivre de rosette le plus doux qu’il soit possible, & en même-tems le plus rouge ; néanmoins quelque doux que soit le cuivre, l’or a de la peine à le recevoir dans son sein, & il suffit de voir dans le creuset les combats que ce mélange occasionne, pour juger de la répugnance qu’a l’or de s’allier avec le cuivre. Lors donc que l’aloi occasionne de l’aigreur, on s’en apperçoit aisément dans le bain ; on voit le bain s’agiter à sa superficie, tantôt jetter des fleurs, tantôt former des éclairs ; il n’est point alors de moyen fixe à indiquer pour l’adoucir : il est des aigreurs qui cedent à la projection du salpêtre seul ; il en est d’autres qui veulent le salpêtre & le borax ; une autre espece demande le crystal minéral ; en général le borax est ce qui réussit le mieux, mais il a l’inconvénient de pâlir l’or. Quand l’aigreur procede de quelque mélange de plomb, d’étain, de calamine ou cuivre jaune, on s’en apperçoit aisément, parce qu’alors il s’eleve sur la surface des petites bulles de la forme à-peu-près d’une lentille ; le moyen d’adoucir cette espece d’aigreur, est le mélange de salpêtre & de soufre. Au surplus, c’est à un artiste intelligent à tater son métal, & à voir par l’espece d’aigreur apparente, quels sels y conviennent le mieux ; mais il ne doit point verser son or, qu’il ne soit assuré de sa ductilité, par la tranquillité du bain ; ce qui se remarque aisément, sur-tout quand les sels fondus couvrent exactement la surface, & qu’aucun éclair ni bouillonnement ne les sépare ; alors l’or est certainement doux. Il faut encore observer qu’on ne doit point toucher l’or en fusion avec du fer, autrement on court risque de l’aigrir, ce qui lui est contraire avec l’argent, que l’attouchement du fer adoucit. L’argent n’étant pas si sujet à contracter des aigreurs, pour peu que l’on lui en apperçoive, le salpêtre, quelques croûtes de pain & le savon suffisent pour en venir à bout.

Or en bain, se dit de l’or qui est en pleine fusion dans le creuset.

Or poreux, se dit de tout or qui renferme des cavités & des impuretés dans son sein, qui se découvrent à l’emploi ; cet inconvénient résulte du défaut de propreté dans la fonte, ou dans la forge de l’or, en versant l’or & l’argent dans la lingotiere. Ces métaux sur la fin de l’opération contractent un peu de froid, ce qui forme sur le dessus des lingots une espece de peau : en outre les sels qui ont été mis en fusion avec les métaux, & qui ont ramassé toutes les impuretés, coulent avec les métaux, se rassemblent sur la surface & y forment des cavités. Il seroit toûjours prudent d’enlever cette premiere peau avec le gros gratoir ; voyez Épailler. Il faut ensuite avoir soin que l’enclume sur laquelle on forge soit propre, qu’elle ne contracte point de rouille non plus que les marteaux dont on se sert ; éviter la chûte de quelque ordure sur la piece pendant qu’on la forge, & avoir soin, en forgeant & rechauffant, de prendre garde que quelque partie du métal ne se reploie sur lui-même, autrement il se doubleroit, & souvent on ne s’en appercevroit qu’à la fin de l’ouvrage qu’on se-

roit étonné de voir enlever la moitié de l’épaisseur de sa piece. Le moyen le plus sûr de remédier à ces inconvéniens est d’épailler souvent ; & si on s’apperçoit que les métaux soient trop poreux, il est plus prudent de les refondre que de s’obstiner à les travailler, car quelque peine que l’on se donnât, il ne prendroit jamais un beau poli.

Or chargé d’émeril. Il arrive souvent que l’or est chargé de petites parties d’émeril, qui est une matiere dure & pierreuse, dont aucune dissolution n’a pû le purger : c’est un inconvénient d’autant plus dangereux, qu’il se loge toûjours dans les entrailles du métal, & que quand il est en petits grains surtout, il ne se découvre qu’à la fin & lors, pour ainsi dire, qu’il n’y a plus de remede, l’ouvrage étant presqu’à sa perfection. Quand on le sait, pour l’en purger totalement, on trouve dans les mémoires de l’académie des Sciences de 1727 le procédé suivant.

Parties égales d’or & de bismuth : sondez les ensemble dans un creuset, & versez dans un cône à régule ce qui pourra sortir coulant : pesez ensuite ce mélange fondu pour juger de la quantité qui sera restée dans le creuset : ajoutez y la même quantité de bismuth : faites fondre le mélange, versez comme la premiere fois, & répétez encore toute l’opération jusqu’à ce que toute la matiere soit sortie du creuset bien coulante. On mettra cet or ainsi soulé de bismuth dans une grande coupelle épaisse, bien soutenue dans une autre faite de terre de creuset où elle aura été formée & bien battue : on coupelle ce mélange sans y mettre autre chose ; mais quand il sera figé on trouvera encore l’or impur & couvert d’une peau livide. On mettra alors sur chaque marc d’or deux à trois onces de plomb, & l’on continuera de coupeller jusqu’à ce que tout le plomb soit évaporé ou imbibé dans la coupelle : après cette seconde opération, l’or n’est pas encore aussi beau qu’il doit l’être, quoiqu’il soit déja moins livide & moins aigre : pour achever de le purifier ; il faut le mettre dans un creuset large qu’on placera dans une forge, de sorte que le vent du soufflet darde la flamme sur le métal ; on le tiendra quelque tems en fusion, & l’on cessera de souffler quand l’or commencera à s’éclaircir. On y jettera ensuite à plusieurs reprises un peu de sublimé corrosif, & sur la fin un peu de borax.

On connoît que l’opération est entierement finie, lorsque le métal devient tranquille, qu’il ne fume plus, & que sa surface est brillante ; alors on peut le jetter en lingot, &, en le travaillant, on le trouvera fort doux. Si ce mauvais or tenoit de l’argent, il faut le traiter davantage selon cette vûe, parce que l’argent ne s’en sépare pas par la coupelle de plomb.

Après que l’or aura été coupellé la premiere fois avec le bismuth, on mettra deux parties d’argent sur une partie d’or, & on le coupellera selon l’art avec le plomb : il ne sera pas nécessaire alors de jetter tant de sublimé corrosif dans le creuset ; l’or étant retiré de la coupelle, on départira l’argent à l’ordinaire par l’eau-forte.

Mais comme ces procédés sont au-dessus de la portée des artistes ordinaires, & qu’ils n’ont ni le tems ni la commodité de les exécuter, il est un moyen qui demande peu de frais & d’attention pour éviter au moins qu’il ne se rencontre d’émeril dans les grandes parties de leurs ouvrages.
Ce moyen que je crois déja avoir indiqué, est de fondre leur or dans un creuset rond de forme conique très-pointue, auquel en le faisant faire on fait réserver un pié rond & plat par-dessous, pour lui donner de l’assiette dans la casse, & à-peu-près dans la forme ci-contre,…

Il est constant que l’émeril se précipite toûjours au fond ; ainsi lorsque l’or est fondu, il faut le laisser refroidir dans le creu-