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set, casser le creuset, & couper le culot d’or, l’émeril se trouve rassemblé dans ce culot. On se sert de ces culots pour des ouvrages de peu de conséquence dont il n’y a qu’un côté qui doive être poli, ou on les fond avec les garnisons, c’est-à-dire, les moulures ou les quarrés. Comme l’émeril se loge presque toûjours dans l’intérieur du métal, & que ces sortes de pieces restent toûjours épaisses, l’émeril se trouve renfermé dans ces épaisseurs ; & si par hasard il s’en découvre quelques grains, ils ne peuvent choquer l’œil ; & y en eût-il dix grains sur un morceau de quarré, ils ne seront pas si sensibles qu’un seul au milieu d’une plaque qui y cause une difformité affreuse, en ce qu’il dérange toute l’économie & le brillant du poli.

Or d’essai, est l’or qui a passé par l’essai, qui après cela est très-fin, & dont le titre est fort approchant des 24 karats.

Or de couleur, terme qui exprime les différentes couleurs que l’on a trouvé le moyen de donner à l’or par l’alliage d’autres métaux avec lui. On emploie ces ors colorés, ou pour mieux dire nuancés, particulierement dans les bijoux d’or, pour y représenter avec plus de vérité les sujets que l’on veut exécuter, & approcher autant qu’il est possible de l’imitation de la nature. Veut-on représenter une maison, on emploie l’or blanc ; un arbre, l’or verd ; une draperie, l’or bleu, l’or jaune ; les chairs se font volontiers avec de l’or rouge. On ne connoît que cinq ors de couleur, qui sont l’or blanc, l’or jaune, l’or rouge, l’or verd, l’or gris ou bleuâtre.

L’or jaune, est l’or fin dans toute sa pureté.

L’or rouge, est un or au titre de 16 karats, allié par trois parties d’or fin sur une de cuivre rosette.

L’or verd, est aussi au titre de 16 karats, fait avec trois parties d’or fin & une partie d’argent fin.

L’or verd, est celui dont un habile artiste peut tirer le plus de parti pour les nuances, parce que c’est celui où elles sont le plus sensibles. Le verd dont nous venons de donner la proportion, fournira un beau verd de pré. Mettez (en considérant la totalité comme 24) 18 parties d’or fin sur 6 d’argent fin, on aura un verd feuille morte ; en mettant au contraire 10 parties d’argent fin sur 14 d’or fin, on aura un verd d’eau : c’est à l’artiste à consulter ses nuances & ses sujets pour régler ses alliages.

L’or gris ou bleu, ou pour bien dire ni gris ni bleu, mais bleuâtre, se fait par le mélange de l’arsenic ou de la limaille d’acier : la fumée de l’arsenic étant très dangereuse, on s’en sert peu ; & comme il arrive souvent que la limaille d’acier se brûle trop vîte, on a éprouvé que ce qui réussissoit le mieux étoit du gros fil de fer doux, dont on prend un quart du poids que l’on veut nuancer, & que l’on jette dans le creuset. Lorsque l’or est en bain, il s’en saisit alors ordinairement assez vîte ; on retire le tout du feu aussi tôt qu’on s’apperçoit que l’incorporation est faite ; autrement l’or, en bouillant long-tems, le rejetteroit de son sein par scories ; cette couleur peu décidée est cependant la plus difficile à faire.

L’or blanc est assez improprement appellé or, n’étant autre chose que de l’argent, à-moins que pour éteindre sa vivacité on ne le mélange un peu, ce qui arrive rarement.

Or, marc d’, (Poids.) Le marc d’or, en latin bes auri, fait un poids de huit onces pesant d’or. Il se divise en vingt-quatre karats, le karat en huit deniers, & le denier en vingt quatre grains ; ensorte qu’un marc d’or est composé de 4608 grains. Le marc d’or vaut par l’édit du mois de Mai 1743, la somme de 650 liv. 10 s. 11 den. s’il est pur ; & 900 monnoyé en louis d’or du titre de 22 karats, du poids de 7 d. 16 grains à la taille de 25 au marc, au remede de poids de 12 grains, & d’un quart de karat de fin par marc, & valant 36 livres.

Or novellan. On appelle ainsi dans le royaume de Pégu l’or qui est au plus haut titre, comme qui diroit en France à 24 karats.

Or en pate, c’est une pâte d’or qui peut servir à un artiste intelligent pour réparer des accidens arrivés à une piece finie, & que l’on ne pourroit reporter au feu. Un amateur des arts nous a communiqué le secret de cette pâte par la voie du Mercure de France, au mois de Février 1745. Ce secret qui n’est pas encore à son degré de perfection, peut y être porté par la suite ; il est néanmoins très-utile tel qu’il est, & mérite d’être conservé dans un ouvrage comme celui-ci. Le voici tel qu’il nous a été donné.

On prend quatre parties d’or en chaux bien pur, précipité du départ : on l’amoncele sur une petite table d’agate, & on fait dans le milieu un petit enfoncement avec le doigt, dans lequel on verse deux parties de mercure revivifié du cinabre qu’on a eu soin de peser exactement. Aussi-tôt qu’on a mis le mercure dans cet enfoncement, l’on y jette de l’esprit d’ail qui fermente sur le champ avec le mercure & l’or ; sans perdre de tems on mêle & broie bien le tout avec une petite molette d’agate, jusqu’à ce que le mélange soit seché & mis en poudre. Je n’ai pas pesé la quantité d’esprit d’ail, parce que M. de Paresky m’a assuré que tout l’inconvénient qu’il y avoit à en trop mettre étoit qu’il falloit broyer plus long-tems ; j’en avois trop mis effectivement, j’ai laissé évaporer une partie de la liqueur ensorte que ma poudre n’a été parfaitement seche que le lendemain.

Pour employer cette poudre sur l’or ou sur l’argent, il faut que la piece soit très-nette & l’argent le plus fin : immédiatement avant que d’y appliquer l’or préparé, on la frotte avec du jus de citron ; on délaye ensuite un peu de la poudre qui est grise comme de la cendre avec du jus de citron, & on l’emploie sur la piece d’or ou d’argent avec une facilité infinie, & aussi épaisse que l’on veut, puisqu’il n’y a qu’à mettre plusieurs couches l’une sur l’autre, ou laisser épaissir un peu le mélange avant de l’appliquer : on peut aussi travailler cette pâte appliquée, lorsqu’elle est seche, avec des ébauchoirs.

Lorsque la poudre est appliquée comme on vient de le dire, & qu’on a couvert le dessein précédemment tracé, on fait chauffer la piece sur le feu de charbon pour faire évaporer le mercure : plus on la chauffe, moins il reste de mercure, & par conséquent plus l’or est haut en couleur. Cependant il reste toûjours assez pâle, & ce seroit une chose utile de trouver un moyen pour lui donner de la couleur ; car on feroit avec cette pâte des ornemens d’une très grande beauté & avec une facilité infinie, tant sur l’or que sur l’argent.

Lorsque l’or est devenu jaune sur le feu, on le frotte avec le doigt & un peu de sable broyé ; il prend du brillant, alors on peut le ciseler & le réparer à l’ordinaire, si ce n’est qu’il est plus mol & plus spongieux : ainsi, pour le travailler, il vaut mieux l’enfoncer au ciselet, que l’enlever avec le burin. Il est rare qu’il se détache ; si cependant cela arrivoit, il seroit aussi facile d’y en remettre qu’il l’a été la premiere fois.

Il faut avertir que l’esprit d’ail est d’une puanteur insupportable : Il faut prendre garde d’en jetter par terre, car quelques gouttes qui étoient tombées ont infecté la maison pendant deux jours.

Cet esprit se fait en chargeant une cornue de gousses d’ail pilées ; on lute bien la cornue avec son récipient, & on distille au bain de sable ; on se sert indistinctement de toute la liqueur claire qui a passé dans le récipient, en la séparant seulement de l’huile fétide. Je ne sai si le suc d’ail ne feroit pas aussi bien.