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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/442

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corchoient, en enlevant par-tout l’épaisseur qu’ils vouloient donner à la bronze ; de sorte que leur modele devenoit leur noyau : ils faisoient recuire ce noyau, le couvroient de cire, terminoient ces cires, faisoient sur ces cires terminées le moule de potée, & achevoient l’ouvrage comme nous : mais on ne suit plus cette méthode que pour les bas-reliefs, & les ouvrages d’exécution facile.

Quant aux grands ouvrages, quand on a assemblé toutes les pieces dans leurs chapes, on y met de la cire autant épaisse qu’on veut que la bronze le soit. Cette épaisseur totale des cires varie selon la grandeur des ouvrages ; & chaque épaisseur particuliere d’une piece, suivant la nature des parties de cette piece : on donne deux lignes d’épaisseur aux figures de deux piés ; un demi-pouce aux figures de grandeur humaine ; au-delà de ce terme il n’y a presque plus de regle. M. de Boffrand dit qu’au cheval de la statue équestre de la place de Louis le grand, on fit les cires massives jusqu’au jarret, pour être massives en bronze, & qu’on donna un pouce d’épaisseur aux cuisses, dix lignes aux autres parties jusqu’à la tête, & six lignes à la queue.

Il faut que la cire dont on se sert ait deux qualités presqu’opposées ; celle de prendre facilement les formes, & de les conserver après les avoir prises. Prenez cent livres de cire jaune, dix livres de térébenthine commune, dix livres de poix grasse, dix livres de sain-doux ; mêlez, & faites fondre sur un feu modéré, de peur que la cire ne bouille, ne devienne écumeuse, & ne soit difficile à travailler : vous aurez ainsi un mêlange qui satisfera aux deux conditions que vous requerez.

Quand cette composition sera prête, imbibez bien les pieces du moule en plâtre d’huile d’olive, de saindoux, & de suif fondus ensemble ; prenez de la composition que j’appellerai cire, avec des brosses de poil de blereau ; répandez-la liquide dans les pieces du moule en plâtre ; donnez aux couches environ une ligne d’épaisseur ; abandonnez ensuite la brosse ; servez-vous de tables faites au moule : ces moules sont à peu près semblables à ceux des Fondeurs de tables en cuivre, où des tringles de fer plus ou moins hautes fixées entre deux surfaces unies déterminent l’épaisseur des tables ; ayez deux ais ; ajustez sur ces ais deux tringles ; amollissez vos cires dans de l’eau chaude ; maniez-les bien comme de la pâte ; étendez-les avec un rouleau qui passe sur les tringles ; & mettez ainsi ces tables d’une épaisseur qui vous convienne.

Prenez vos pieces en plâtre couvertes d’une couche en cire ; ratissez cette couche ; faites-en autant à une des surfaces de vos tables de cire ; faites chauffer modérément ces deux surfaces écorchées, & appliquez-les l’une contre l’autre.

La quantité de cire employée détermine la quantité de métal nécessaire pour l’ouvrage. On compte dix livres de métal pour une livre de cire, non compris les jets, les évents, & les égoûts. M. de Boffrand dit qu’on employa pour la statue équestre de la place de Louis le grand, 5326 livres de cire ; ce qui demandoit par conséquent 53260 livres de métal non compris les jets, les évents, & les égoûts.

Quand on a donné à toutes les cires les épaisseurs convenables, on démolit le modele en plâtre, en le coupant par morceaux, qui servent ensuite à réparer les cires. On remonte toutes les assises du moule jusqu’à la moitié de la hauteur du cheval, s’il s’agit d’une statue équestre ; & on établit au-dedans & au-dehors des assises l’armature du noyau.

L’armature est un assemblage des différens morceaux de fer destinés à soûtenir le noyau & le moule de potée d’un grand ouvrage de fonderie : entre ces fers, les uns restent dans le corps de l’ouvrage

fondu, d’autres en sont retirés après la fonte : dans une statue équestre, ceux qui passent d’un flanc à l’autre du cheval, qui descendent dans la queue, & qui passent dans les jambes, sont assemblés à demeure ; les fers des jambes s’étendent même à trois piés au-delà des piés du cheval, & sont scellés dans le corps du pié-d’estal.

Voyez figure 1. Plan. III. l’armature de fer qui a été faite dans le corps du cheval, avec les pointals & piliers butans pour soûtenir la figure équestre.

Le noyau est un corps solide qui remplit l’espace contenu sous les pieces du modele en cire, quand elles sont assemblées : la matiere qui le compose doit avoir quatre qualités ; la premiere, de ne s’étendre ni resserrer sous les cires ; la seconde, de résister à la violence du feu, sans se fendre ni ne se tourmenter ; la troisieme, d’avoir du pouf, c’est-à-dire, de résister au métal en fusion, & de céder au métal se réfroidissant ; la quatrieme, de ne lui pas être analogue, c’est-à-dire, de ne le point boire, & de ne point lui être contraire, ou de ne le point repousser ; ce qui occasionneroit dans le premier cas des vuides, & dans le second des soufflures.

Mêlez deux tiers de plâtre, avec un tiers de briques bien battues & bien sassées, & vous aurez la matiere requise. On mêlange, on gâche cette matiere, & on en coule dans les assises du moule quand l’armature est disposée, allant d’assises en assises jusqu’au haut de la figure. Il est cependant à propos de savoir qu’on observe différens mêlanges, & que le noyau des grandes figures n’est pas tout entier de la même matiere. Dans la formation du noyau de la statue équestre dont j’ai déjà parlé, les jambes qui portent, devant être solides, n’eurent point de noyau : on fit la queue, la jambe qui est levée, la tête, le cou, &c. de plâtre & de briques battues & sassées ; le corps du cheval d’un mêlange de deux tiers de terre rouge & sabloneuse, qu’on trouve derriere les Chartreux, & qui passe pour la meilleure de l’Europe pour ces sortes d’ouvrages, & d’un tiers de crotin de cheval & de bourre passés par les baguettes.

Avant que de commencer le noyau, on passe des verges de fer en botte entre les vuides des grands fers de l’armature, auxquels on les attache avec de gros fil d’archal ; ces verges tiennent les terres du noyau en état : on laisse cependant des trous pour passer la main & ranger les gâteaux de terre. Sous les parties inférieures, comme le ventre d’un cheval, où les terres tendent à se détacher de tout leur poids, on place des crochets en S qui les arrêtent. Quand le noyau est fait, on prend de la composition du noyau détrempée à une certaine consistance ; on en applique sur les cires avec les doigts, par couches d’environ un pouce d’épaisseur, qu’on fait bien sécher ; on continue ainsi de couche en couche, se servant de gâteaux de la même composition de quatre pouces en quarré sur neuf lignes d’épaisseur, qu’on applique sur leur plat avec la même composition liquide, & qu’on unit avec les couches qu’on a déjà données aux cires, faisant toûjours sécher nuit & jour sans interruption, jusqu’à ce que les couches de terre à noyau ayent au pourtour des cires environ six pouces d’épaisseur ; ce qui suffira pour achever de recouvrir tous les fers de l’armature. Mais avant que ces fers soient recouverts, on pose dans le noyau un rang de briques en cintre, maçonnées avec de la terre de la même composition que le noyau ; ce qui forme dans son intérieur une sorte de voûte. On a soin de bien faire sécher les parties intérieures du noyau, par des poêles qu’on dispose en-dedans, en y descendant par une ouverture pratiquée à la croupe, si c’est une statue équestre ; & pour que le feu ne soit pas étouffé, on pratique au noyau des cheminées de trois pouces en quarré : ces cheminées sont au