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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/443

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nombre de trois. Quand il est bien sec, on acheve de le remplir très-exactement avec de la brique bien seche, qu’on maçonne avec de la terre à noyau. S’il lui arrive de se resserrer & de diminuer en séchant, on le hache & on le renfle avec la même terre dont on l’a construit. Pour s’assûrer s’il est solide, on le frappe ; s’il sonne creux, il a quelque défaut, il n’est pas plein.

Quand le noyau du cheval d’une statue équestre est dans cet état, on éleve les assises de la figure ; on y ajuste les armatures, & l’on coule le restant du noyau avec la même composition, observant de pratiquer au-dedans de la figure des jets qui conduisent le métal aux parties coudées en montant : sans cette précaution, ces parties resteroient vuides.

Quand le noyau est achevé, on démonte toutes les assises, en commençant par le haut ; on soûtient par des piliers butans les traverses principales de l’armature, qui percent les cires à mesure qu’on les découvre : on dépouille ensuite toutes les pieces de cire ; on pratique sur le noyau des repaires, pour les mettre à leur place ; on les place, & on a une figure en cire toute semblable au modele.

Pour fixer les cires sur le noyau, on y enfonce d’espace en espace des clous à tête large, sur lesquels on construit une espece de treillis avec du fil d’archal. Ce treillis sert à soûtenir les cires. On les lie encore entr’elles avec de la cire chaude, qu’on coule dans leurs jointures, ensorte qu’il ne reste aucun vuide. On acheve alors de réparer les cires assemblées ; car on avoit déjà fort avancé le reparage, quand elles étoient par pieces détachées. On se sert dans cette manœuvre de l’ébauchoire & d’une toile dure & neuve, imbibée d’huile, avec laquelle on suit les contours du nud & des draperies : on pose ensuite les égoûts des cires, les jets & les évents.

Les jets, les évents, & les égoûts des cires sont des tuyaux de cire que l’on pose sur une figure après que la cire a été reparée. Ces tuyaux de cire étant ensuite enduits de la même terre que le moule, forment sur toute la figure & dans le moule de potée des canaux à trois usages : les uns servent d’égoûts aux cires, & se nomment égoûts ; les autres conduisent le métal du fourneau à toutes les parties de l’ouvrage, & s’appellent jets ; les autres sont des évents qui font une issue à l’air renfermé dans l’espace qu’occupoient les cires, & retiennent le nom d’évents. Sans cette précaution, l’air comprimé par le métal à mesure qu’il descendroit, pourroit faire fendre le moule.

On fait les tuyaux de cire, creux comme des chalumeaux ; ce qui les rend légers, & emporte moins de cire que s’ils étoient solides. Voici comment on les coule. On a des morceaux de bois tournés du diametre qu’on veut donner à ces canaux, & de deux piés de long ou environ : on construit sur ces petits cylindres un moule de plâtre de deux pieces égales, & fermé par un des bouts : en l’imbibe bien d’huile ; on le remplit de cire : quand il est plein, on le secoue bien : à l’approche du plâtre, la cire se fige : on renverse ce qui n’est pas figé : il reste une douille creuse, à laquelle on donne l’épaisseur qu’on veut, en recommençant de remplir de cire & de renverser.

Quand ces douilles ou tuyaux sont préparés en quantité suffisante, on les dispose sur la figure à deux pouces de sa surface. On commence par les égoûts de cire, qui servent par la suite de jets : ils sont soûtenus autour de l’ouvrage par des attaches ou bouts de tuyaux menus, soudés par un bout contre les cires de l’ouvrage, & de l’autre contre les égoûts. Il faut des égoûts à tous les endroits qui ont une pente marquée. Il y en a aux statues équestres à chaque pié du cheval, à chaque pié de la figure, à la queue du cheval, deux sous le ventre : on pose ensuite & de la même maniere, les jets & les évents.

Chaque ouvrier a sa maniere d’attacher. La bonne, c’est d’incliner les attaches des jets en descendant vers la figure, & par conséquent de couler la figure par le haut. Le diametre des jets, des égoûts, & des évents, est déterminé par la grandeur de l’ouvrage. Ils avoient les dimensions suivantes dans la fonte de la statue équestre de Louis XIV. dont nous avons déjà parlé. Les trois principaux jets, trois pouces quatre lignes de diametre ; les jets moins forts, 21, 18, 15, 12, 9 lignes ; les évents par le haut, 30 & 24 lignes de diametre, & en descendant, 13, 12, 9 lignes : les égoûts avoient les mêmes dimensions que les évents.

Quand on a poussé l’ouvrage jusqu’au point où nous venons de le conduire, on travaille au moule de potée & de terre. On prend trois sixiemes de terre de Châtillon, village à deux lieues de Paris, qu’on mêle avec une sixieme partie de fiente de cheval ; on a laissé pourrir ce mêlange dans une fosse pendant un hyver. A ce mêlange, on ajoûte ensuite deux sixiemes de creusets blancs & passés au tamis. On détrempe le tout avec de l’urine ; on le broye sur une pierre ; on en fait ainsi une potée très-fine. On commence par en mettre sur la cire, avec une brosse, quatre couches mêlées de blanc d’œuf ; puis on mêle un peu de poil fouetté & passé par les baguettes, avec la composition précédente. On donne avec ce nouveau mêlange vingt-quatre autres couches ; observant de ne point appliquer une couche que la précédente ne soit bien seche : le moule prend ainsi environ un demi-pouce d’épaisseur. On ajoûte alors à la composition nouvelle moitié de terre rouge, de même qualité que celle du noyau, ayant soin de remplir les creux & autres lieux étroits où la brosse n’a pû pénétrer, avec cette composition un peu épaisse. Le moule a, à la quarantieme couche, environ deux pouces d’épaisseur. On met alors sous la figure, s’il en est besoin, sous le ventre du cheval, si c’est une statue équestre, des barres menues de fer plat, croisée, les unes sur les autres, entrelacées de fil de fer, & attachées aux gros fers de l’armature du noyau, qui percent les cires. Ces barres servent à soûlever les parties inférieures du moule, & à les empêcher de se détacher des cires. On pratique le même bandage sur le reste de la figure, par-tout où l’on craint que le moule ne fléchisse. On couvre ce premier bandage de terre rouge seule, délayée avec la bourre qu’on couche avec les doigts, jusqu’à ce que le moule ait environ huit pouces d’épaisseur par bas, & six pouces par haut.

Il faut avoir soin, avant que de commencer le moule de potée, de couper la cire en quelques endroits, afin d’avoir une ouverture à la bronze pour tirer du dedans de la figure les fers superflus de l’armature avec le noyau. En ces endroits on joint les terres du noyau avec le moule : mais on pratique des rebords de cire, dont le métal remplira l’espace ; ce métal débordant sera rabattu dans la suite, & servira à boucher l’ouverture pratiquée.

Cent cinquante couches achevent l’épaisseur du moule, sur lequel on pose ensuite des bandages de fer pour le rendre solide, & empêcher que la terre qui perd de sa force par le recuit, ne s’éboule. Ces bandages sont de fers plats, disposés en réseau : toute la figure en est couverte. On en remplit les mailles de terre & de tuileau. On place les tuileaux aux endroits où les fers du bandage ne touchent pas le moule. Sur ce bandage, on en pose un second, de maniere que les fers qui forment les mailles ou quarrés de ce second, croisent & coupent les mailles ou quarrés du premier. On remplit pareillement les endroits où ces barres ne touchent pas le moule, de terre & de tuileaux ; & le reste des mailles, de la même terre. Dans toutes ces opérations, le moule a pris dix pou-