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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/275

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est renfermé dans l’idée d’une chose impénétrable & étendue, & qui peut être conçu comme une de ses modifications, comme la grandeur, la divisibilité, la figure, la situation, le mouvement & le repos, & tout ce qui résulte de leur différente combinaison ; ainsi cette physique ne sauroit admettre que la vie & la pensée soient des modifications du corps ; d’où il s’ensuit que ce sont des propriétés d’une autre substance distincte du corps. Cette physique ne reconnoissant dans les corps d’autre action que le mouvement local, & le mouvement étant nécessairement l’effet de l’action d’un être différent du corps mû, il s’ensuit qu’il y a quelque chose dans le monde qui n’est pas corps ; sans quoi les corps dont il est composé n’auroient jamais commencé à se mouvoir. Selon cette philosophie on ne peut pas expliquer les phénomenes des corps par un pur méchanisme, sans admettre des causes différentes de ce méchanisme, & qui soient intelligentes & immatérielles. Il est évident par les principes de la même philosophie, que nos sensations elles-mêmes ne sont pas des effets matériels, puisqu’il n’y a rien dans les corps qui soit semblable aux sensations que nous avons du chaud, du froid, du rouge, du doux, de l’amer, &c. D’où il s’ensuit que ce sont des modifications de notre ame, & que par conséquent elle est immatérielle. Enfin il est aussi clair par cette philosophie, que les sens ne sont pas juges de la vérité, même à l’égard des corps, puisque les qualités sensibles dont ils paroissent revêtus n’y sont nullement ; ainsi il faut qu’il y ait en nous quelque chose de supérieur aux sens, qui juge de leurs rapports & qui distingue ce qui est véritablement dans le corps de ce qui n’y est pas. Ce ne peut être que par une faculté supérieure, qui se donne à elle-même les mouvemens qu’elle veut, c’est-à-dire qui est immatérielle.

La physique corpusculaire a encore divers avantages. Voici les deux principaux : 1°. elle rend le monde corporel intelligible, puisque le méchanisme est une chose que nous entendons, & qu’hors cela nous ne concevons rien distinctement dans le corps. Dire qu’une chose se fait par le moyen d’une forme ou d’une qualité occulte, n’est autre chose que dire que nous ne savons pas comment elle se fait, ou plutôt c’est faire l’ignorance où nous sommes de la cause d’un effet, la cause de cet effet-là, en la déguisant sous les termes de formes & de qualités. On conçoit encore clairement que le froid, le chaud, &c. peuvent être des modifications de notre ame, dont les mouvemens des corps extérieurs sont des occasions. Mais on ne sauroit comprendre que ce soient des qualités des corps mêmes, distinctes de la disposition de leurs particules. 2°. L’autre avantage de la physique corpusculaire, c’est qu’elle prépare l’esprit à trouver plus facilement la preuve de l’existence des substances corporelles, en établissant une notion distincte du corps. Il faut que celui qui veut prouver qu’il y a quelque chose dans le monde outre les corps, détermine exactement les propriétés des corps, autrement il prouveroit seulement qu’il y a quelque chose outre un certain je ne sais quoi qu’il ne connoît pas, & qu’il appelle corps. Ceux qui rejettent la philosophie corpusculaire composent les corps de deux substances, dont l’une est la matiere destituée de toute forme, par conséquent incorporelle ; l’autre est la forme, qui étant sans matiere est aussi immatérielle. Par-là on confond si fort les idées de ce qui est matériel & immatériel, qu’on ne peut rien prouver concernant leur nature.

Le corps lui-même devient incorporel ; car tout ce qui est composé de choses immatérielles, est nécessairement immatériel, & ainsi il n’y auroit rien du tout de corporel dans la nature. Au lieu que la philosophie corpusculaire établissant une notion dis-

tincte du corps, montre clairement jusqu’où ses opérations peuvent s’étendre, où celles des substances immatérielles commencent, & par conséquent qu’il faut de nécessité que ces dernieres existent dans le monde.

Il faut cependant avoüer qu’on abuse très-souvent de cette philosophie ; écoutons M. Wolf là-dessus. In scriptis eorum qui philosophiam corpuscularem excoluêre, multum inest veritatis, etsi circa prima rerum materialium principia erraverint autores. Non tamen ideò probamus promiscuè quæ ab autoribus philosophiæ corpuscularis traduntur : nihil enim frequentius est, quàm ut figuras & molem corpusculorum ad libitum fingant, ubi eas ignorantes in ipsis phænomenis acquiescere debebant. Exempli gratiâ, nemo hucusque explicuit qualia sint aëris corpuscula, etsi certum sit per eorum qualitates elasticitatem aëris explicari. Deficiunt hactenus principia, quorum ope certè quid de iis colligi datur. Quamobrem in phænomeno acquiescendum erat quod scilicet aër possit comprimi, & continuò se se per majus spatium expandere nitatur. Enim verò non desunt philosophi qui cùm corpuscula principia essendi proxima corporum observabilium esse agnoscant, elaterem quoque aëris per corpuscula ejus explicaturi, figuras aliasque qualitates pro arbitrio fingunt, etsi nullo modo demonstrare possint corpusculis aëris convenire istiusmodi figuras & qualitates, quales ipsis tribuunt. Minimè igitur probamus, si quis philosophus corpuscularis sapere velit ultra quod intelligit. Absit autem ut philosophiæ corpusculari tribuamus quod philosophi est vitium. Deinde philosophi corpusculares in universum omnes hactenus in eo peccant, quod prima rerum materialium principia corpuscula esse existiment ; M. Wolf parle ici en Leibnitien : il ajoûte : Et plerique etiam à veritate oberrant dum non alias in corpusculis qualitates quàm mechanicas agnoscunt. Il n’y a qu’à lire tous les écrits que la fameuse baguette divinatoire a occasionnés, pour achever de se convaincre des abus dont la physique corpusculaire est susceptible. Wolf, Cosmol. §. 236. in schol. Cet article est de M. Formey.

CORPUSCULE, s. m. en Physique, diminutif de corps, terme dont on se sert pour exprimer les particules ou les petites parties des corps naturels. Voy. Particule & Corps.

Tout corps est composé d’une quantité prodigieuse de corpuscules. Ces corpuscules eux-mêmes sont des corps, & sont composés par la même raison d’autres corpuscules plus petits, ensorte que les élemens d’un corps ne paroissent être autre chose que des corps. Mais quels sont les élemens primitifs de la matiere ? c’est ce qu’il est difficile de savoir. Voyez les articles Corps & Configuration. Aussi l’idée que nous nous formons de la matiere & des corps, selon quelques philosophes, est purement de notre imagination, sans qu’il y ait rien hors de nous de semblable à cette idée. Ces difficultés ont fait naître le système des monades de M. Leibnitz. Voyez Monades & Leibnitianisme.

M. Newton a donné une méthode pour déterminer par la couleur des corps la grosseur des corpuscules qui constituent les particules qui les composent, ou plutôt le rapport de la grosseur des particules d’un corps d’une certaine couleur à celle des particules d’un corps d’une autre couleur. Il ne faut cependant regarder cette méthode que comme conjecturale. Voyez Couleur. (O)

* CORRE ou CORRET, subst. m. terme de Pêche usité dans le ressort de l’amirauté de Boulogne, sorte de filet. Voici la description de la pêche du corre ou corret, ou picot à poche.

L’instrument que les pêcheurs nomment corre ou corret, peut être regardé comme un rets de picots à poche ou sac. Lorsque la marée est très-basse, les pêcheurs font à pié la pêche avec ce filet ; si les eaux