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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/228

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les êtres qui couvrent la surface de la terre, & tous ceux qui sont cachés dans ses entrailles. L’Histoire naturelle, dans toute son étendue, embrasseroit l’univers entier, puisque les astres, l’air & les météores sont compris dans la nature comme le globe terrestre ; aussi l’un des plus grands philosophes de l’antiquité, Pline, a donné une histoire naturelle sous le titre de l’histoire du monde, historia mundi. Mais plus on a acquis de connoissances, plus on a été porté, & même nécessité, à les diviser en différens genres de Science. Cette division n’est pas toujours exacte, parce que les Sciences ne sont pas si distinctes qu’elles n’ayent des rapports les unes avec les autres ; qu’elles ne s’allient & ne se confondent en plusieurs points, soit dans les généralités, soit dans les détails.

L’Astronomie, qui paroît fort éloignée de l’Histoire naturelle, suivant les idées que l’on a aujourd’hui de ces deux sciences, y tient cependant par la théorie de la terre, & s’en rapprocheroit davantage, si le télescope & les autres lunettes de longue vue pouvoient produire un aussi grand effet que le microscope ; cet instrument merveilleux qui nous fait appercevoir des choses aussi peu à la portée de notre vue par leur petitesse infinie, que celles qui sont à des distances immenses. Enfin, si l’on parvenoit jamais à voir les objets qui composent les planettes assez distinctement pour juger de leur figure, de leur mouvement, de leur changement, de leur forme, &c. on auroit bien-tôt les rudimens de leur histoire naturelle ; elle seroit sans doute bien différente de celle de notre globe, mais les connoissances de l’une ne seroient pas infructueuses pour celles de l’autre. Il suffit d’avoir indiqué les rapports que l’Histoire naturelle peut avoir avec l’Astronomie, ce seroit s’occuper d’une chimere que d’insister sur ce sujet : ne sortons pas de notre globe, il a donné lieu à bien d’autres sciences qui tiennent de plus près que l’Astronomie à l’Histoire naturelle, & il n’est pas si aisé de reconnoître les limites qui les en séparent.

Les animaux, les végétaux & les minéraux constituent les trois principales parties de l’Histoire naturelle ; ces parties font l’objet de plusieurs sciences qui dérivent de l’Histoire naturelle, comme les branches d’un arbre sortent du tronc. Observons cet arbre scientifique, & voyons quel degré de force la tige donne à chacune de ses branches.

La description des productions de la nature fait la base de son histoire ; c’est le seul moyen de les faire reconnoître chacune en particulier, & de donner une idée juste de leur conformation. Il y a deux sortes de descriptions ; les unes sont incomplettes, & les autres sont complettes. Dans les premieres, on n’a pour but que de caractériser chaque chose au point de la faire distinguer des autres : cette description n’est qu’une dénomination, le plus souvent fort équivoque, quelque art que l’on emploie pour exprimer les caracteres distinctifs de chaque objet. Les productions de la nature sont trop nombreuses & trop variées ; la plûpart ne different entr’elles que par des nuances si peu sensibles, que l’on ne doit pas espérer de les peindre dans une phrase, ce portrait est le plus souvent infidele. Pour s’en convaincre, il suffit de jetter les yeux sur les systèmes de nomenclature qui ont été faits en Histoire naturelle ; ils sont tous fautifs. Cependant si l’on parcourt la liste des auteurs de ces systèmes, on ne doutera pas qu’ils n’en eussent fait d’exacts, s’il eût été possible de parvenir à ce point de perfection dans les descriptions qui n’ont pour but que la nomenclature, & qui n’embrassent que quelques parties de chaque objet. Les descriptions complettes expriment tous les objets en entier ; & non seulement elles les font re-

connoître sans équivoque, mais elles indiquent les

rapports qui se trouvent entre leurs parties constituantes.

Dans cette vue, les descriptions comprennent les parties intérieures de chaque objet comme les parties extérieures ; elles expriment, autant qu’il est possible, les proportions de la figure & du poids, les dimensions de l’étendue & toutes les qualités qui peuvent donner une idée juste de la conformation des principales parties de chaque chose. Par de telles descriptions, on peut comparer un objet à un autre, & juger de la ressemblance & de la différence qui se trouvent dans leur conformation ; on peut reconnoître les différens moyens que la nature emploie pour produire le même effet, & l’on parvient à des résultats généraux, qui sont les faits les plus précieux pour l’Histoire naturelle.

Le naturaliste ne considere une chose que pour la comparer aux autres ; il observe par préférence dans chaque chose les caracteres qui la distinguent des autres, & il fait tous ses efforts pour voir la marche de la nature dans ses productions. L’anatomiste au contraire contemple chaque chose en elle-même ; il développe chacune de ses parties pour découvrir les moins apparentes, & il emploie tout son art, afin de reconnoître les premiers agens matériels, & tous les ressorts que la nature emploie pour faire mouvoir les corps animés.

Jusqu’à présent l’Anatomie n’a guere eu d’autre objet que l’homme, c’est sans doute le principal ; mais le corps humain ne renferme pas tous les modeles du méchanisme de l’économie animale. Il y a dans les animaux des conformations bien différentes de celles de l’homme, ils ont des parties plus développées ; en les comparant les uns aux autres, & en les rapportant tous à l’homme, on connoîtra mieux l’homme en particulier & la méchanique de la nature en général. Ce grand objet est celui de l’Anatomie comparée, qui a un rapport plus immédiat à l’Histoire naturelle que l’Anatomie simple, parce que l’on ne peut tirer de celle-ci que des observations de détail, tandis que l’autre donne des résultats & des faits généraux qui font le corps de l’histoire naturelle des animaux.

La Medecine est une branche de l’Histoire naturelle, qui tire aussi de l’Anatomie une partie de sa substance. L’on n’aura jamais une bonne théorie en Medecine, que l’on ne soit parvenu à faire un corps d’Histoire naturelle, parce que l’on ne connoîtra jamais l’économie animale de l’homme, si l’on ne connoît les différentes conformations des animaux ; & l’on feroit dans la Medecine-pratique des progrès bien plus rapides que l’on n’en a fait jusqu’à présent, en établissant sur les animaux une Medecine comparée, & une Chirurgie comparée comme une Anatomie comparée.

La Botanique est une des principales branches & des plus étendues de l’Histoire naturelle ; mais en parcourant les ouvrages des Botanistes, on voit cette branche amaigrie par un rameau excessif qui lui enleve presque toute sa substance. La nomenclature des plantes, qui n’est qu’une petite partie de leur Histoire naturelle, semble avoir été le principal objet des Botanistes ; ils ne se sont appliqués pour la plûpart, qu’à faire des dénominations. Voyez Botanique. La signification des noms, & l’explication des termes, sont les préliminaires de toutes les sciences, & ces préliminaires sont peut-être plus nécessaires en Botanique, qu’en toute autre science, parce que le nombre des plantes est si grand, que sans cette précaution, il y auroit nécessairement de l’équivoque & de l’erreur dans l’application de leurs noms. Il seroit donc nécessaire d’avoir en Botanique un vocabulaire qui contînt les noms & les descrip-