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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/257

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endroit : Minus esset indecens & irreprehensibile nisi in fidelitate ligiâ quæ debetur soli principi.

Il n’est point surprenant que depuis le milieu du xjv. siecle il ne reste aucun vestige de ces sortes d’hommages qui, eu égard à l’assujettissement personnel qu’ils emportent avec eux, sont toujours odieux & peu conformes à nos mœurs & au christianisme, si l’on excepte le souverain, dont nous naissons les sujets avant d’être enfans de l’Eglise. Enfin, continue le même Dumoulin, les assujettissemens personnels sont une sorte d’esclavage & des restes de cette ancienne servitude qui dégrade la nature humaine, sunt ergo servi respectu conditionis adscriptitiæ.

Telles sont les réflexions dont M. de la Feuillie nous a fait part sur cette matiere.

Nous observons néanmoins que dans la regle nous ne voyons rien qui puisse affranchir les ecclésiastiques de faire la foi & hommage.

Les religieux & les religieuses même n’en sont pas non plus exempts ; le chapitre unique §. verum de statu regularium, in 6°. permet à l’abbesse ou prieur de sortir de son couvent pour faire la foi ou hommage, mais on sait que le sexte n’est pas reçu en France.

A l’égard des corps, chapitres & communautés d’hommes séculiers & réguliers, la maniere de faire la foi & hommage est reglée par les articles cx. cxj. & cxij. de la coûtume d’Anjou, & par les articles cxxj. cxxij. & cxxiij. de celle du Maine ; & voici la distinction que font ces coûtumes.

Si le corps ou chapitre a un chef, comme un doyen, un abbé, un prieur, ce chef doit faire la foi & hommage pour le corps ou chapitre ; & en cas de légitime empêchement, elle doit être faite par quelqu’autre personne députée à cet effet.

Pour les corps & communautés qui n’ont point de chef principal, comme les fabriques, les hôpitaux &c la foi & hommage doit être faite par l’homme vivant & mourant, & pour les bénéfices particuliers par les titulaires.

Mais il est certain que le clergé a obtenu divers arrêts de surséance pour la foi & hommage des fiefs qu’il possede mouvans nuement du roi ; il y en a plusieurs indiqués dans Brillon au mot foi, n°. 8. & rapporté dans les mémoires du clergé : mais il ne paroît pas que cela s’étende aux fiefs mouvans des seigneurs particuliers. On peut voir Auroux Despommiers, prêtre, docteur en théologie, & conseiller clerc en la sénéchaussée de Bourbonnois & siége présidial de Moulins, dans son Commentaire sur la coûtume de Bourbonnois, art. ccclxxx. où il dit que la forme de la foi & hommage de la part des gens d’église n’est point différente, nonobstant la dignité de leur caractere, qui sembleroit les exempter de cet abaissement envers un laïc ; parce qu’en ce qui concerne les choses temporelles, ils sont sujets au droit commun. (A)

Hommage de bouche & de mains, est la même chose que l’hommage simple, auquel il n’est point dû de serment de fidélité ; il est ainsi nommé dans l’ancienne coutûme d’Amiens, art. 24. Voyez Hommage simple. (A)

Hommage de dévotion étoit une déclaration & reconnoissance que quelques seigneurs souverains, ou qui ne relevoient de personne pour leurs fiefs & seigneurie, faisoient de les tenir d’une telle église.

Ces hommages vinrent d’un mouvement de dévotion qui porta quelques seigneurs à rendre à Dieu hommage de leurs terres, comme d’autres le rendoient à leurs seigneurs dominans ; c’étoit une espece de vœu accompagné de quelques aumônes & de l’obligation à laquelle se soumettoit le seigneur de pren-

dre les armes pour la défense de l’église où il rendoit

cet hommage.

Ces pratiques de dévotion ne devoient pas naturellement tirer à conséquence, ni autoriser les églises à prétendre une supériorité temporelle sur les seigneuries dont on leur avoit fait hommage, d’autant que cet hommage étoit volontaire, & que les seigneurs le rendoient pour le même fief, tantôt à une église, & tantôt à une autre, selon que leur dévotion se tournoit pour l’une ou l’autre de ces églises. C’est ainsi que les sires de Thoire firent autrefois l’hommage de leurs états, tantôt à l’église de Lislebarbe, tantôt à celle de Lyon, quelquefois à l’église de Nantua, d’autrefois à l’abbaye de Cluny, & à plusieurs autres, jusqu’à ce qu’enfin leurs successeurs refuserent de rendre cet hommage, auquel ils n’étoient point en effet obligés.

Cependant quoique ces sortes d’hommages ne fussent dûs qu’à Dieu, auquel on les rendoit entre les mains de son église, les ecclésiastiques prirent insensiblement pour eux cette reconnoissance, & voulurent la faire passer pour une marque de supériorité temporelle qu’ils avoient sur ceux qui rendoient hommage à leur église.

La coûtume de Poitou, art. 108, dit que quiconque a hommage pour raison d’aucune chose, est fondé sur icelle d’avoir jurisdiction, si ce n’étoit hommage de dévotion, comme celui qui est donné en franche aumône à l’église ; lequel hommage de dévotion n’emporte fief, jurisdiction, ni autre devoir.

Barrand, sur le tit. des fiefs de cette coûtume, ch. x. n. 2. dit que le fief de dévotion donné en franche aumône à l’église, ne doit pas être proprement appellé hommage, parce qu’il n’emporte fief ni jurisdiction, & ne doit devoir à personne.

Boucheul, sur l’art. 108 que l’on a cité, dit que l’hommage de dévotion est de deux sortes, ou dû à l’église ou par l’église ; que celui qui est dû à l’église n’est pas en signe d’obéissance, mais par une espece de dévotion. Brodeau, sur l’art. 63 de la coûtume de Paris, n. 23. rapporte divers exemples de ces fiefs ou hommages de piété & de dévotion, qui ne consistent qu’en la simple charge de l’hommage & autres redevances d’honneur, comme cire, cierges, & autres semblables, sans aucun devoir pécuniaire. L’hommage de dévotion dû par l’église est pour les choses qui lui ont été données en aumône, c’est-à-dire libres, franches, & déchargées de toutes sortes de devoirs & redevances, ad obsequium precum. Ni l’un ni l’autre de ces deux hommages n’emporte de soi fief ni jurisdiction.

Voyez Galland, traité contre le franc-aleu, ch. vij. pag. 95 & 96. Caseneuve, traité contre le franc-aleu, liv. II. ch. ij. n. 5. p. 171. derniere édition, & Fief de dévotion. (A)

Hommage lige ou plein est celui où le vassal promet de servir son seigneur envers & contre tous.

On l’appelle lige, parce qu’il est dû pour un fief lige, ainsi appellé à ligando, parce qu’il lie plus étroitement que les autres. Il y en avoit autrefois de deux sortes, l’un par lequel le vassal s’obligeoit de servir son seigneur envers & contre tous, même contre le souverain, comme l’a remarqué Cujas, lib. II. feud. tit. 5. lib. IV. tit. 31. 90. & 99. & comme il paroît par l’art. 50. des établissemens de France ; le second, par lequel le vassal s’obligeoit de servir son seigneur contre tous, à l’exception des autres seigneurs dont le vassal étoit déja homme lige. Il y a plusieurs de ces hommages rapportés dans les preuves des histoires des maisons illustres. Voyez aussi Chantereau, des fiefs, pag. 15 & 17.

Les guerres privées que se faisoient autrefois les seigneurs, furent la principale occasion de ces hommages liges.