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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/326

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férentes especes de terres sur lesquelles on les emploie : l’expérience seule instruira bientôt les cultivateurs. Et nous ne pouvons mieux actuellement les exciter à éprouver cette nouvelle espece d’engrais, que par l’exposé du résultat des expériences faites, tant en grand qu’en petit, par un très-grand nombre de cultivateurs & de laboureurs de la Province sur les différentes productions de la terre.

Pour les blés. Différentes personnes ont éprouvé plusieurs procédés.

1°. On met la semence & les cendres, par égale mesure, dans un cuvier avec de l’eau, un jour ou deux avant d’ensemencer la terre ; par cette méthode tous les grains germent, les épis se trouvent plus longs qu’à l’ordinaire, exempts de brousure, le grain plus pesant, la terre purgée de mauvaises herbes, la récolte plus abondante, & il faut en ce cas un cinquieme moins de semence.

2°. On jette la semence & les cendres ensemble sans les mouiller.

3°. On jette les cendres après que les terres sont préparées, & on seme ensuite. Ces deux façons s’appellent enfouir les cendres avec la semence ; elles produisent les mêmes effets que la premiere : cependant ces deux dernieres méthodes ne sont pas aussi généralement usitées que la premiere.

4°. Des cultivateurs de Trucy ont semé au mois d’Avril des cendres de houille sur des blés où l’eau avoit séjourné pendant l’hiver, & où il ne paroissoit point, pour ainsi dire, de plants ; ce blé est devenu parfaitement beau.

Dravieres. On avoit semé dans un verger au mois d’Octobre 1756, trente verges de dravieres ; le 10 Avril suivant on fit venir des cendres de houille de Suzy ; on en fit saupoudrer la moitié des dravieres, & on y employa à peu près la même quantité dont on use de cendres de mer. Vers les premiers jours de Juin, on apperçut les progrès qu’avoit fait la partie saupoudrée, qui dès-lors se trouva plus verte & plus élevée que celle qui ne l’avoit pas été : à la récolte, la même partie saupoudrée de houille se trouva porter entre 14 & 15 pouces plus haut que l’autre.

Plusieurs laboureurs, à qui on fit voir le succès de son épreuve, en userent de même sur les lentilles, dravieres & bisailles qu’ils avoient semées en Mars ; ils s’en trouverent très-bien la même année, tant pour ces bisailles, que pour les dravieres d’hiver & de Mars.

Prairies. Le 15 Février de la même année on fit jetter de la houille, nouvellement tirée de la mine de Suzy, sur une portion de pré où la mazée avoit séjourné, & où le jonc dominoit ; la bonne herbe prit si fort le dessus sur les joncs, & devint si épaisse, qu’ils furent presque tous étouffés ; il n’en reparoissoit pas même la sixieme partie en 1759, qu’on fit faire la même chose sur tout le pré, dont on tira le double d’herbe de ce qu’on en récoltoit ordinairement.

Trefles, luzernes & sainfoins. L’usage des cendres de houille est d’un effet surprenant pour toutes ces productions, si nécessaires sur-tout dans les pays qui manquent de prairies : ce sont ces fourrages qui forment si facilement ces prairies artificielles, aussi propres que les naturelles pour l’engrais des bestiaux. Le trefle a même cet avantage de pouvoir être semé lors des pluies du mois d’Avril dans les champs déja ensemencés en blé, & sur ceux semés en avoine & en orge, lorsque les grains sont assez levés pour que toute la terre paroisse verte. La production du trefle ne nuit point à celle des autres grains, & couvre, après la récolte faite, les champs qui resteroient en jachere, d’une prairie abondante, dont on fait plusieurs coupes pendant deux ans, en y répandant chaque année des cendres de houille lors des premieres

pluies du printems. Ces cendres, & les racines encore tendres de ces trefles, procurent aux terres, lorsqu’on les remet en blé, des sels qui leur tiennent lieu de tout engrais, même de fumier, dont on a par conséquent une plus grande abondance pour les terres à blé qui n’ont point été mises en prairies. La qualité des terres doit régler les connoisseurs sur la quantité de cendres qu’on doit y jetter ; on observe seulement qu’on doit les jetter au commencement de Février ou de Mars, selon que les saisons sont plus ou moins avancées, en saisissant, s’il est possible, un moment de pluie.

Avoines. Des laboureurs des environs de Noyon, enfouissent les avoines & les cendres avec beaucoup de succès.

Pois gris, lentillon, vesce & bisailles. On met les semences & les cendres, par égale mesure, dans un cuvier avec de l’eau, où on enfouit les semences & les cendres comme on le pratique pour les blés.

On peut aussi semer les cendres sur ces productions lorsqu’elles ont germé & poussé leur verd. Dans ce cas, la quantité des cendres qu’on emploie dépend de la nature des terres ; mais on ne doit en mettre que la moitié de ce que l’on mettroit si les mêmes terres étoient empouillées en trefles, luzernes ou sainfoins.

Vignes. Un particulier avoit à Cessieres une portion de vignes, qui, plantées sur un terrein refroidi par les mazées, ne rendoient pas les frais de culture. Au commencement de Février 1758, il fit mettre sur toute l’étendue de ce terrein un pouce d’épaisseur de terre houille, telle qu’elle sortoit de la mine, c’est-à-dire, qui n’avoit pas encore été enflammée & réduite en cendres. Cette portion de vignes, qui étoit absolument mauvaise avant son épreuve, se trouva à la récolte avoir de très-beau bois, & les raisins en étoient aussi gros que dans les meilleures vignes du terroir ; le vin en fut fait séparément ; il fut beaucoup plus rouge & plus ferme que les autres vins, quoiqu’on ne lui eût pas donné plus de cuve ; on l’a conservé jusqu’au mois d’Octobre 1760 : ce vin s’est trouvé très-bon. On a encore observé que dans cette année d’épreuve, il n’a point poussé d’herbes dans cette vigne.

Les cendres de houille sont également bonnes pour les basses vignes ; on y en répand 300 livres sur 80 verges de terrein.

Légumes. On a éprouvé que lorsque les légumes sont mangés de chenilles, si on les poudre de houille dès le grand matin à la rosée, & qu’on répete la même chose le lendemain, on trouve toutes les chenilles mortes le troisieme jour.

Plusieurs autres personnes sement des terres & cendres de houille sur toutes especes de légumes pour en avancer & en augmenter la production.

Couches. L’utilité dont il seroit que la qualité des terres & cendres de houille écartât ou fît périr les gros vers blancs nommés mulots, qui font mourir les arbres de tout âge, nous porte à donner encore ici une expérience faite des terres de houille dans une couche, dont on ne cherchoit qu’à rendre les productions plus hâtives.

Procédé de l’expérience. L’auteur de l’expérience fit faire dans son jardin deux couches différentes à la même exposition.

Il en fit d’abord former l’enceinte à un pié & quelques pouces de profondeur dans la terre.

La premiere couche fut ainsi composée. On mit dans le fond de la couche, cinq pouces de long fumier de cheval ; on répandit sur toute son étendue la quantité d’une piece d’eau ; on entassa ce premier lit le mieux qu’il fut possible ; l’on mit ensuite sur ce premier lit trois pouces de terre de houille de Cessieres telle qu’elle sort de la mine ; on mit dessus