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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/327

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pour troisieme lit quatre pouces de fumier un peu plus consommé que le premier ; on y jetta moitié d’eau de ce que l’on avoit mis sur le premier lit, après l’avoir bien foulé ; on mit ensuite pour quatrieme lit, la même quantité de trois pouces de terre de houille, & pour cinquieme lit trois pouces de fumier bien consommé ; enfin, par-dessus, quatre pouces de terreau de vieille couche.

La seconde couche fut formée de même, avec les mêmes précautions, à l’exception de la terre de houille.

On sema en même tems sur les deux couches les mêmes graines potageres.

Dans la couche de houille une partie des graines étoit levée le neuvieme jour ; le douzieme tout l’étoit & également verd : dans l’autre couche les graines ne commencerent à lever que le quinzieme jour.

Toute la suite de la production de la couche de houille a toûjours eu trois semaines d’avance sur celle où il n’y en avoit point ; mais on a remarqué qu’il y falloit des arrosemens plus fréquens.

Quand toutes les productions furent finies, on défit les deux couches ; celle où il n’y avoit point de houille, fut trouvée remplie de gros vers nommés mulots ; il ne se trouva au contraire aucun mulot ni autre ver dans la couche où il y avoit de la houille.

Ce fait de la propriété de la terre de houille pour faire périr les gros vers, est si nécessaire à constater, que nous croyons devoir inviter tous ceux qui employeront de ces terres & cendres de houille, de quelque façon que ce soit, à vérifier avec l’attention la plus sûre, s’il se trouvera, ou non, après la récolte des différentes productions, de ces gros vers, ou même d’autres insectes, dans les terres où il s’en trouve ordinairement, & de nous en informer.

Les habitans de la Thiérache qui se servent de ces cendres depuis quelques années, pourroient se ressouvenir si les souris qui ont desolé une partie des terres de ce pays en automne 1759, étoient également dans celles où on avoit employé des cendres cette année ou les précédentes.

Ceux qui feront de pareilles couches avec de la houille, lorsqu’après les productions ils éfondreront leurs couches pour en faire de nouvelles, doivent avoir grande attention de séparer les lits de houille d’avec ceux de fumier, ce fumier de la vieille couche devant servir de terreau pour une nouvelle couche, & le terreau sur lequel on seme ne devant jamais être mêlé de houille : ces lits de houille ainsi séparés des lits de fumier peuvent être répandus dans d’autres endroits pour les fertiliser.

Arbres fruitiers & arbustes. M. Gouges, procureur du Roi en l’élection de Laon, avoit au commencement de Juin 1758, des pêchers dont les feuilles étoient gâtées par les moucherons & les fourmis ; ensorte qu’il avoit lieu de craindre que les fruits dont ces arbres étoient chargés ne fussent attaqués par les mêmes insectes. Il fit arroser ces arbres sur toutes les feuilles dès le grand matin, & les fit saupoudrer de houille calcinée & pulvérisée ; il fit bécher ces arbres au pié, & y mêla avec la terre remuée de la houille calcinée sans être pulvérisée.

Il avoit encore des poiriers dont les feuilles jaunes annonçoient qu’ils étoient malades ; il les fit aussi bécher au pié, & y mêla pareillement avec la terre remuée de la houille calcinée sans être pulvérisée.

Ces différens arbres furent suffisamment arrosés ; ils donnerent de très-beau fruit, & eurent une seve si abondante, qu’à la fin de Juillet on fut obligé d’en retrancher beaucoup de bois qui avoit trop poussé. Depuis, les mêmes arbres ont toûjours été très beaux.

Le même M. Gouges a pareillement mis de la houille calcinée au pié de ses lauriers, grenadiers & autres arbustes, qui ont donné des fleurs en abondance.

Nous avons rapporté ci-dessus l’expérience faite par M. Hellot sur ses orangers.

Dans le grand nombre d’expériences dont on a connoissance, on a crû devoir citer plus particulierement celles de M. Gouges, non-seulement parce que c’est lui qui a fourni les mémoires les plus détaillés de ses expériences, mais parce qu’on lui a l’obligation des premieres qui ont été faites des terres houille de Suzy, Faucoucourt & Cessieres La maison de campagne qu’il a à Cessieres lui ayant donné occasion d’examiner les travaux qui se faisoient pour extraire des terres propres à la verrerie de Folembray & à la manufacture des glaces de Saint-Gobin, il apperçut que les terres qui étoient sorties de ces excavations & restées sur le champ comme inutiles à ces manufactures, étoient chaudes ; il sentit une chaleur qui augmentoit insensiblement ; il reconnut la fermentation qui se faisoit dans ces masses de terre ; il apperçut dans différens endroits plusieurs petits soupiraux, d’où il vit sortir une fumée presque imperceptible ; il les élargit avec un bâton, & découvrit un feu semblable à celui de la forge d’un maréchal ; il trouva toutes les parties de cet intérieur de différentes couleurs, & plusieurs lui parurent couverts de soufre ; l’odeur en étoit très forte ; il l’avoit déja sentie aux approches de cet endroit : il y retourna six semaines après, le dix de Novembre, avec plusieurs personnes ; il fut fort surpris de trouver à douze ou quinze piés d’un de ces petits soupiraux, un pommier couvert de feuilles & de fleurs aussi vives qu’au printems ; il reconnut les bancs de terre houille : & comme il avoit entendu dire que ceux de Beaurains avoient au-moins les mêmes qualités que les cendres de mer, il se détermina à faire les expériences que nous venons de rapporter : ce qui a été tellement connu, que l’on est venu avec empressement chercher de ces terres. Il paroît que depuis le mois d’Octobre dernier, on en a enlevé mille à douze cens voitures à quatre & à six chevaux. Le prix n’en est pas encore réglé.

A Beaurains, où ces mines s’exploitent en regle & avec art, c’est-à-dire, par des puits & des galeries souterraines, d’où après que les terres ont été tirées, on les transporte dans des brûleries, qui sont de simples fossés, où elles se consument d’elles-mêmes & se réduisent en cendres, on vend trois livres le sac de trois cens vingt livres pesant. A Ham où on en a fait un magasin, il se vend trois livres douze sols ; à Rocourt, près de Saint Quentin, il se débite à quatre livres. On vient d’en établir deux autres magasins à Pont-Sainte-Maxence, sur le pié de trois livres neuf sols le sac, & à Beaumont-sur-Oise, trois livres douze sols.

Au détroit d’Anois, on vend les cendres quinze sols le septier, ce qui revient à-peu-près à trois livres le sac de trois cens vingt livres. On en forme un magasin à Rocourt, près de Saint-Quentin ; & l’on compte en faire établir de ces trois différentes especes à Soissons & dans plusieurs autres villes de la province.

Voici ce que reprochent aux terres & cendres de houille, ceux qui craignent d’en faire usage par l’esprit de routine si contraire à toute perfection.

1°. Que ces houilles tiennent les fourrages trop longtems en verd. Ce reproche prouve que les houilles fournissent beaucoup de seve ; ceux qui veulent retirer des fourrages secs n’ont qu’à semer les houilles un peu plutôt, c’est-à-dire, au plus tard en Février : ceux qui veulent nourrir les chevaux en verd une partie de l’été, peuvent semer plus tard : rien de