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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/387

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Ceux qui se disent de nos jours les petits-fils d’Esculape, n’ont pas hérité de ce beau secret ; la déesse Hygée l’a gardé pour elle, car elle avoit dans un temple de son pere à Sycione, une belle statue couverte d’un voile ; Hippocrate leva le coin de ce voile, & le laissa retomber.

On voit sur les anciens monumens cette déesse en sa qualité de reine de la Medecine, portant la couronne de laurier, & tenant le sceptre de la main droite ; sur son sein est un serpent à plusieurs contours, qui avance sa tête pour aller boire dans une patere qu’elle tient de la main gauche ; quelquefois elle est assise, mais d’ordinaire elle est debout.

On la trouve souvent figurée sur le revers des médailles & dans les gravures antiques ; le roi de France possede dans son cabinet une pierre gravée qui représente cette déesse, & les connoisseurs prisent extrémement les beautés simples & naïves de sa figure.

Pline nous dit, liv. XXVII. chap. xxxvij. qu’on lui offroit un simple gâteau de fine farine, qu’on appella de son nom hygeia ; étoit-ce pour indiquer que la santé est la fille de la sobriété, comme elle est la mere des plaisirs du sage ? Quoi qu’il en soit, on voit sur une médaille que Tristan a fait graver, tom. I. pag. 628, une femme qui présente respectueusement un gâteau de cette espece à la déesse.

Remarquons ici que les Grecs donnerent aussi quelquefois le nom d’Hygiée à la fille de Jupiter, je veux dire à Minerve, & l’honorerent sous ce titre ; la déesse de la sagesse étoit très-digne de ce surnom.

Les Romains qui adopterent sagement toutes les divinités des nations étrangeres, ne manquerent pas de recevoir dans leur ville la déesse de la Santé, & de lui bâtir un temple sur le mont Quirinal, comme à celle de qui dépendoit le salut de l’empire. Voyez l’article de la déesse Salus.

Elle écarte les maux, la langueur, les foiblesses,
Sans elle la beauté n’est plus.
Les amours, Minerve, & Morphée,
La soutiennent sur un trophée
De myrthe & de roses paré,
Tandis qu’à ses piés abattue
Rampe l’inutile statue
Du dieu d’Epidaure enchaîné. (D. J.)

HYGIENE, subst. fem. ὑγιεινὴ, (Medecine.) c’est un terme qui vient du grec ὑγιεινὸς, sanus, & qui sert à désigner la premiere des deux parties de la méthode medicinale concernant la conduite qu’il faut tenir pour la conservation de la santé actuellement existente ; comme la seconde partie de cette méthode est la Thérapeutique qui traite de la maniere de rétablir la santé lorsque l’on l’a perdue : ainsi ces deux parties renferment le double objet que l’on a pû se proposer pour le bien de l’humanité, par l’institution de la Medecine ; sa partie pratique ne peut pas tendre à autre chose.

Mais de ces deux objets, le plus utile sans doute, est celui qui consiste à rendre l’état de santé aussi durable, que la vie humaine le comporte de sa nature, & à préserver cet état de tout ce qui peut lui causer quelque altération considérable de tout ce qui peut réduire à la triste nécessité de faire usage des secours de l’art, pour le rétablissement de la santé : car, comme dit Seneque, c’est un plus grand service de soûtenir quelqu’un qui est dans le cas de faire une chûte, que de relever celui qui est tombé : pluris est labantem sustinere, quàm lapsum erigere. Ainsi le medecin auquel on peut devoir la conservation de sa santé, n’est pas moins à rechercher que celui auquel on peut devoir la guérison de quelque maladie.

Cependant comme il est très-rare que lorsqu’on se porte bien, ou que l’on croit se bien porter, l’on demande conseil sur la conduite que l’on doit tenir

pour continuer à jouir de cet avantage, attendu que l’on est assez généralement dans l’idée, on peut même dire dans l’erreur de croire que la Medecine n’a pour objet que de guérir les maladies ; c’est ce qui a fait que la partie de cette science, qui prescrit des regles à l’égard de la santé, paroît avoir été fort négligée, soit par les maîtres qui ont enseigné la Medecine, soit par ceux qui l’ont enrichie de leurs ouvrages. Ensorte que la plûpart des auteurs d’institutions médicales des derniers siecles, se sont presque bornés à donner la définition de l’Hygiene, sans exposition des préceptes salutaires en quoi elle consiste, préceptes qui avoient fixé l’attention des anciens medecins, parce qu’il leur suffisoit d’en sentir l’importance, pour être déterminés à s’en occuper fortement, parce qu’ils avoient sincérement à cœur de se rendre utiles à l’humanité ; au lieu que la plûpart de ceux de ces tems-ci semblent ne se vouer à son service que pour la faire servir à leur propre utilité, puisqu’ils s’appliquent très-peu à étudier & à prescrire les regles qu’il faut observer pour la conservation de la santé, que l’on peut cependant entretenir bien plus aisément, que l’on ne peut contribuer à la rétablir.

En effet, l’art n’a pas autant de part qu’on le croit communément, à la guérison des maladies. Voyez la dissertation de Sthaal, de curatione æquivocâ. Elle est le plus souvent l’ouvrage de la nature dans les maladies aiguës. Voyez Nature. Et les maladies chroniques, sur-tout lorsqu’elles sont invétérées, sont presque toujours supérieures à tous les secours de l’art.

Ainsi la partie de la science medicinale qui peut être la plus avantageuse au genre humain, est donc sans contredit l’Hygiene, en tant qu’elle a pour objet la durée de la vie saine, le bien de ce monde, qu’il importe le plus de conserver, qui est le plus facile à perdre, & le plus difficile à recouvrer, & sans lequel, comme dit le docteur Burnet, reliqua plus aloës, quàm mellis habent.

Mais pour conserver ce bien si précieux, autant qu’il en est susceptible dans un sujet bien constitué, & qui n’a actuellement en lui aucune autre cause que la vie même qui le dispose à la mort, il est nécessaire de connoître avant toutes choses en quoi consistent la vie & la santé, comme il faut connoître la nature de la maladie avant que d’employer les moyens qui peuvent en détruire la cause. Voyez Vie, Santé, Constitution, Maladie, Medecine.

Pour satisfaire à ce qu’exige la conservation de la santé, on doit se proposer trois objets à remplir, savoir 1°. de maintenir l’état de l’individu qui en jouit actuellement, & d’y employer les moyens qui sont conformes à la complexion, au tempérament, qui lui sont propres, qui conviennent à son âge, à son sexe, au climat qu’il habite, à la profession, à l’état dans lequel il vit. Voyez Complexion, Tempérament, Age, Sexe, Climat, Profession. 2°. D’éloigner toutes les causes de maladie, de corriger l’influence de celles dont on ne peut se garantir, de changer la disposition qu’elles donnent à en être affecté. Voyez Prophylactique. 3°. De rendre sa vie durable autant qu’elle en est susceptible, en établissant, en préparant, ou en faisant subsister sans interruption, toutes les conditions nécessaires pour le maintien de la santé. Voyez Régime.

Ces conditions sont essentiellement renfermées dans le bon usage des six choses, que l’on appelle d’après les anciens, non-naturelles, qui deviennent naturelles, lorsque l’usage qu’on en fait tourne au profit de la santé ; & contre nature, lorsque l’on en use d’une maniere qui est nuisible à l’économie animale, c’est-à-dire que ces choses qui existent indépendamment de la nature considérée comme puissance, qui