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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/388

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regle l’exercice de toutes les fonctions du corps humain, doivent cependant être regardées comme lui étant absolument nécessaires, & comme susceptibles de l’affecter avantageusement ou desavantageusement, selon qu’elles ont avec elles un rapport conforme ou contraire à ses besoins & à l’ordre qui doit y subsister.

Ces six choses sont donc 1°. l’air, & tout ce qui se trouve dans l’atmosphere, comme le feu, les météores, les exhalaisons de la terre, &c. Voyez Air. 2°. La matiere des alimens & de la boisson. Voyez Aliment, Pain, Viande, &c. Eau, Vin, &c. Diete. 3°. Le mouvement & le repos. Voyez Exercice, Mouvement, Repos. 4°. Le sommeil & la veille. Voyez Sommeil, Veille. 5°. La matiere des excrétions, celle des suppressions. Voyez Sécrétion, Excrétion, Flux. 6°. Enfin les passions de l’ame. Voyez Passion.

Ces différentes choses sont par conséquent de nature à influer indispensablement sur la conservation de la santé ; par conséquent les regles qui doivent être prescrites sur leurs bons & leurs mauvais effets, constituent la partie de la Medecine pratique, qui est l’Hygiene : ainsi on trouvera une exposition sommaire de ces regles par rapport à chacune des choses non-naturelles, sous le mot non-naturel, ou sous le nom de chacune des dénominations particulieres qui viennent d’être mentionnées.

On se bornera ici à rapporter les sept lois ou préceptes proposés par le célebre Hoffman (dissert. sept. leg. sanit. exhib. tom. V. opusc. diætetic.) pour servir à diriger sur tout ce qui a rapport à la conservation de la santé.

1°. Il faut éviter tout excès en quelque heure que ce soit, parce qu’il est extrèmement nuisible à l’économie animale ; la sobriété & la modération en tout, par conséquent même en fait de vertu, ne sauroit trop être recommandée ; c’est un conseil du sage Hippocrate, le meilleur connoisseur des vrais besoins du corps & de l’esprit (aphor. 51. sect. 2.) ; cette maxime est applicable à toutes les choses de la vie qui sont susceptibles d’influer sur la santé, & de porter quelque altération dans l’équilibre des solides & des fluides, c’est-à-dire dans la juste proportion du mouvement qui se fait entre eux, d’où dérive la disposition à l’exercice libre de toutes les fonctions du corps humain. Moderata durant, atque vitam & sanitatem durabilem præstant.

2°. On doit prendre garde à ne pas faire des changemens précipités dans les choses qu’on a accoutumées, parce que l’habitude est une seconde nature : cette regle est aussi importante à suivre dans le physique que dans le moral & dans le politique ; parce que les choses que l’on éprouve ordinairement, lors même qu’elles ne sont pas bien conformes aux intérêts de la santé, peuvent moins causer de desordre dans l’économie animale, que ce qui étant essentiellement salutaire ne seroit pas accoutumé. C’est ce qui est confirmé par l’expérience journaliere, depuis Hippocrate, qui dit d’après le même témoignage (aphor 49. sect. 11.) que les personnes foibles ne sont pas incommodées par certaines choses auxquelles elles sont habituées, tandis que des personnes robustes ne peuvent pas les éprouver impunément, parce qu’elles leur sont extraordinaires, quoiqu’elles ne soient pas essentiellement nuisibles, ainsi lorsqu’on juge qu’il y a quelque changement à faire dans la maniere de vivre, dans la conduite, en quelque genre que ce soit, il faut se faire peu-à-peu une habitude contraire à celle que l’on avoit, & ne rien précipiter dans l’innovation. Omnis mutatio subita mala ; quod paulatim & successivè fit, id tutum est.

3°. Il faut se conserver ou se procurer la tranquillité de l’esprit, & se porter à la gaieté autant qu’il

est possible, parce que c’est un des moyens des plus sûrs pour se maintenir en santé, & pour contribuer à la durée de la vie. En effet, les passions de l’ame, dont elle est satisfaite, favorisent la distribution du fluide nerveux dans toutes les parties du corps ; par conséquent l’exercice de toutes les fonctions se fait avec facilité & d’une maniere soutenue ; au lieu que la trop grande contention, les peines d’esprit, les chagrins, la tristesse habituelle retiennent ce même fluide dans le cerveau, pour le seul exercice de la faculté pensante, & tous les autres organes en sont privés à proportion ; d’où s’ensuit un ralentissement général dans le cours des humeurs, & tous les mauvais effets qui peuvent s’ensuivre : ainsi la plûpart des hommes abregent leur vie plus par l’effet des maladies de l’esprit, que par celles du corps ; c’est pour quoi l’on peut dire avec Juvenal, que rien n’est plus à desirer pour la santé du corps, que la conservation de celle de l’ame. Optandum ut sit mens sana in corpore sano.

4°. Il faut tâcher, autant qu’il est possible, de vivre dans un air pur & tempéré, parce que rien ne contribue davantage à entretenir la vigueur du corps & de l’esprit. Rien n’affecte plus nos corps que l’air, & ne nuit davantage que ses impuretés & ses autres mauvaises qualités, comme l’excès, les variations subites de pesanteur, de légéreté, de chaleur, de froid & d’humidité qui operent à l’égard de nos solides, de nos fluides, & du cours de nos humeurs en général, des altérations, des changemens de la plus grande conséquence, qui peuvent avoir les suites les plus funestes. Voyez Air, Chaleur, Froid, Humidité, Température, Intempérie. Certe sanitas ad extremam senectutem duraret, dit Hoffman, si ceteris paribus, aëre, per quatuor anni tempora, puro, moderato & temperato semper frui liceret.

5°. On doit dans le choix des alimens & de la boisson, préférer toujours ce qui est le plus conforme au tempérament & à l’usage ordinaire, qui n’a pas été essentiellement nuisible, parce que la digestion, l’élaboration des humeurs qui en résultent, & leur distribution dans toutes les parties se font avec plus de facilité & d’égalité. Voyez Régime. Ainsi la matiere des alimens & de la boisson devant pénétrer dans les vaisseaux de notre corps, pour être changée en notre propre substance, ou pour servir aux autres différentes destinations ; ensorte que le superflu, ou ce qui est inutile, ou ce qui pourroit devenir nuisible, étant retenu, doit être porté hors du corps par les différens émunctoires destinés à cet usage ; il est nécessaire que cette matiere, dont doivent être formées nos différentes humeurs, soit de nature à favoriser la dissolution, la séparation des parties nourricieres, des recrémens & des excrémens, d’une maniere proportionnée aux besoins de l’économie animale, dans chaque individu : c’est ce qu’on apprend par l’expérience, qui n’a eu pour guide que le sentiment & l’habitude, & par la réflexion que l’on fait en conséquence sur les suites. C’est cette expérience raisonnée qui doit fournir les regles d’après lesquelles chaque homme sensé doit être le medecin de soi-même, pour se diriger non pas dans le traitement des maladies, mais dans l’usage des choses qui servent à la conservation de la santé. Tout ce qu’on peut dire à ce sujet se trouve renfermé dans les paroles suivantes de l’Hippocrate allemand. Ingesta salubriora languidis, infirmis, ægrotantibus, maxime commendanda sunt ; cùm aliàs non negandum sit robustiora & exercitata corpora, etiam duriora, insalubritatis titulo notata, præcipuè usitata, sæpè sine læsione ferre posse.

6°. Rien n’est plus important que d’établir une proportion raisonnable entre la quantité des alimens que l’on prend & celle du mouvement, de l’exer-