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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/760

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sentoit la main droite ouverte, les doigts serrés l’un contre l’autre, à l’exception du pouce qu’il élevoit, il n’y avoit presque force d’homme qui pût lui écarter le petit doigt des trois autres. Cet athlete si robuste, ce vainqueur des Sybarites, fut néanmoins obligé de reconnoître que sa force étoit inférieure à celle du berger Titorme, qu’il rencontra sur les bords d’Evenus, s’il en faut croire Elien.

Le lutteur Chilon, natif de Patras en Achaïe, n’est guere moins fameux que Milon, par le nombre de ses victoires à la lutte. Il fut couronné deux fois à Olympie, une fois à Delphes, quatre fois aux jeux isthmiques, & trois fois aux néméens. Sa statue faite des mains de Lysippe, se voyoit encore à Olympie du tems de Pausanias. Il fut tué dans une bataille, & les Achéens lui éleverent un tombeau à leurs dépens, avec une inscription simple, qui contenoit les faits que je viens de rapporter.

Pausanias parle du pancratiaste Polydamas, non-seulement comme du plus grand homme de son siecle pour la taille, mais il raconte encore de ce célebre athlete des choses presque aussi surprenantes que celles qu’on attribue à Milon. Il mourut, comme lui, par trop de confiance en ses forces. Etant entré avec quelques camarades dans une caverne, pour s’y mettre à couvert de l’excessive chaleur, la voûte de la caverne prête à fondre sur eux, s’entr’ouvrit en plusieurs endroits. Les compagnons de Polydamas prirent la fuite ; mais lui moins craintif, ou plus téméraire, éleva ses deux mains, prétendant soutenir la hauteur de pierres qui s’écrouloit, & qui l’accabla de ses ruines.

Je finis ma liste des célebres lutteurs par l’athlete Théagene de Thasos, vainqueur au pancrace, au pugilat & à la course, une fois aux jeux olympiques, trois fois aux pythiens, neuf fois aux néméens, & dix fois aux isthmiques. Il remporta tant de prix aux autres jeux de la Grece, que ses couronnes alloient jusqu’au nombre de quatorze cens, selon Pausanias, ou de douze cens, selon Plutarque. (D. J.)

LUTTER, (Géog.) petite ville d’Allemagne au duché de Brunswick, remarquable par la victoire que les Impériaux y remporterent sur Christian IV. roi de Danemark, en 1626. Elle est à 2 lieues N. O. de Goslar. Long. 28. 8. latit. 52. 2.

LUTTERWORTH, (Géog.) bourg à marché d’Angleterre en Leicestershire, à 72 milles N. O. de Londres. Long. 15. 26. latit. 52. 26.

Je n’ai parlé de ce bourg, que parce que c’est le lieu de la naissance, de la mort & de la sépulture de Jean Wiclef, décédé en 1384. Il s’étoit déclaré hautement pendant sa vie contre les dogmes de l’Eglise romaine. Son parti déja considérable dans le royaume de la grande Bretagne, étoit étayé de la protection du duc de Lancastre, dont l’autorité n’étoit pas moins grande que celle du roi son frere. Wiclef expliquoit la manducation du corps de notre Seigneur, à-peu-près de la même maniere que Berenger l’avoit expliquée avant lui. Ses sectateurs, qu’on nomma Lollards, s’augmentoient tous les jours ; mais ils se multiplierent bien davantage par les persécutions qu’ils essuyerent sous Henri IV. & sous Henri V.

LUTZELSTEIN, (Géog.) petite ville de la basse Alsace, à 6 lieues de Strasbourg, capitale de la principauté de même nom, appartenante à l’électeur palatin, qui en fait hommage au roi de France.

LUTZEN, (Géog.) petite ville d’Allemagne dans la haute Saxe, & dans l’évêché de Mersebourg, fameuse par la bataille de 1632, où Gustave Adolphe, roi de Suéde, périt malheureusement. Elle est sur l’Elster, à 2 milles O. de Leipsick. Long. 30.12. latit. 51. 20. (D. J.)

LUVAS ou LUBOS, (Hist. mod.) c’est le nom qu’on donne aux chefs d’une nation guerriere & bar-

bare appellée Gallas, qui depuis très-long tems

sont les fléaux des Ethiopiens & des Abyssins, sur qui ils font des incursions très-fréquentes. Ces lubos sont des souverains dont l’autorité ne dure que pendant huit ans. Aussi-tôt que l’un d’eux a été élu, il cherche à se signaler par les ravages & les cruautés qu’il exerce dans quelque province d’Ethiopie. Son pouvoir ne s’étend que sur les affaires militaires ; pour les affaires civiles, elles se reglent dans les assemblées ou diètes de la nation, que le lubo a droit de convoquer, mais qui peut de son côté annuller ce qu’il peut avoir fait de contraire aux lois du pays. Il y a, dit-on, environ soixante de ces souverains éphémeres dans la nation des Gallas ; ils font une très-pauvre figure dans leur cour, dont le pere Lobo raconte un usage singulier & peu propre à engager les étrangers à s’y rendre. Lorsque le lubo donne audience à quelque étranger, les courtisans qui l’accompagnent tombent sur lui, & lui donnent une bastonnade très-vive qui l’oblige à fuir ; lorsqu’il rentre, on le reçoit avec politesse. Le P. Lobo eut le malheur d’essuyer cette cérémonie ; en ayant demandé le motif, on lui dit que c’étoit pour faire connoître aux étrangers la valeur & la supériorité des Gallas sur toutes les autres nations.

LUXATION, s. f. terme de Chirurgie, déplacement d’un ou de plusieurs os de l’endroit où ils sont naturellement joints. Les luxations sont en général de deux especes par rapport à leurs causes ; les unes viennent de causes externes, comme chûtes, coups, sauts, extensions, &c. les autres viennent de causes internes, comme d’un relâchement des ligamens, de la paralysie des muscles, du gonflement des têtes des os, d’une fluxion d’humeurs qui s’est faite tout-à-coup dans l’articulation, & qui en a abreuvé les capsules ligamenteuses ou d’humeurs qui s’y sont accumulées peu à-peu : tel est l’épanchement de la synovie, qui chasse la tête de l’os de sa cavité.

La luxation n’arrive proprement qu’aux os qui ont un mouvement manifeste, comme sont tous ceux dont la jonction est par diarthrose : ceux qui sont articulés par synarthrose, n’ayant qu’un mouvement fort obscur, sont plus sujets à être cassés qu’à se luxer : les os joints par charniere ou gynglime se luxent plus difficilement que ceux dont la jonction est faite par une seule tête & une seule cavité ; & ils sont plus sujets à la luxation incomplette qu’à la complette.

On entend par luxation complette celle où la tête d’un os est réellement hors de la cavité de celui qui la recevoit. On reconnoît cette luxation par une tumeur ou éminence que forme la tête de l’os déboîté dans un endroit qui n’est pas destiné à la loger ; & par un enfoncement que l’on sent dans l’endroit d’où l’os est sorti. Ces signes sont quelquefois difficiles à appercevoir, sur-tout à la cuisse, lorsqu’il y a gonflement. La luxation complette est aussi accompagnée d’une grande douleur, d’une abolition du mouvement & d’un raccourcissement du membre, si la luxation est en haut ; car le membre est plus long dans la luxation qui se fait en-bas.

La luxation incomplette ou partiale, appellée aussi subluxation, est un dérangement des os dans leur contiguité, mais qui se touchent encore par quelque surface. Dans la luxation incomplette, outre la douleur & l’impuissance du membre, qui sont des signes communs & équivoques de luxation, l’on remarque 1°. que le lieu de l’articulation est plus éminent qu’il ne doit être ; 2°. que le membre ne change presque pas de figure, ni de longueur ; & 3°. que la partie n’est pas plus disposée à se mouvoir d’un côté que de l’autre, à cause que les muscles sont presque également tendus, parce que l’éloignement de l’os n’est pas assez grand pour changer considérablement la