Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/100

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Dans la conversation animée et sérieuse, il s’agissait du dîner d’adieu que ces messieurs voulaient organiser le lendemain même de ce jour, en l’honneur de leur camarade Zverkov, qui était officier et qui partait au loin, en province. M. Zverkov avait été aussi de tout temps mon camarade de classe. J’avais commencé à le détester particulièrement dans les classes supérieures. Dans les petites classes, c’était tout simplement un joli petit garçon, vif, que tout le monde aimait. Il travaillait mal, et plus mal encore en avançant en âge ; mais il sortit de l’école dans un bon rang, grâce à des protections. La dernière année de son séjour à l’école, il lui échut un héritage : deux cents âmes, et comme nous tous, ou presque, étions pauvres, il se mit à faire le fanfaron avec nous. Il était plat au plus haut degré, mais assez bon garçon, même quand il faisait le fanfaron. Chez nous, malgré les tonnes extérieures, fantastiques, pleines de phrases sonores sur l’honneur et le mérite, tous, à très peu d’exception près, faisaient la cour à Zverkov, d’autant plus qu’il faisait le fanfaron. Et il le faisait non par intérêt, mais tout simplement parce que c’était un homme favorisé de la nature. D’ailleurs, c’était un principe chez nous de regarder Zverkov comme un modèle d’adresse et de manières distinguées. C’était surtout cela qui me mettait en rage. Je détestais le son dur de sa voix, où éclatait la confiance en soi ; 1’admiration devant ses pro-