Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/215

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la voix d’Ivan Matveïtch, cher ami. je serais plutôt d avis qu’il faut agir par l’intermédiaire du Commissaire de Police, car seule, l’intervention de la force publique est capable de convaincre cet Allemand.

Prononcés avec fermeté, ces mots, qui témoignaient d’une extraordinaire présence d’esprit, eurent le don de nous stupéfier à un tel point qu’au premier instant, nous ne voulions pas en croire nos oreilles. Cependant, nous nous approchâmes précipitamment de la baignoire où gîtait le crocodile et nous mîmes à écouter le malheureux prisonnier avec une attention soutenue quoiqu’un peu sceptique.

Sa voix avait un son grêle et étouffé, comme si elle fut venue de fort loin. On eut dit d’un plaisant qui, posté dans la pièce voisine et la bouche collée à un oreiller, se fut évertué à crier pour simuler à l’intention du public demeuré dans l’autre chambre une conversation de deux paysans dans une steppe ou à travers un ravin, performance à laquelle j’eus la chance d’assister lors des fêtes de Noël chez des amis à moi.

— Ivan Matveïtch, mon ami, es-tu donc vivant ? bulbutiait Elena Ivanovna.

— Oui. vivant et en parfaite santé, répondit Ivan Matveïtch. Grâce à la protection du Très-Haut, je fus avalé sans être abîmé le moins du monde. Une seule chose m’inquiète : comment mes chefs vont-