Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/216

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ils envisager cet incident ? Car. enfin, j’ai obtenu mon passe-port pour l’étranger et me voici dans le ventre d’un crocodile, ce qui n’est pas malin…

— Mais, mon ami. peu importe que ce soit malin ou non, pourvu qu’on te tire de là ! interrompit Elena Ivanovna.

— Le tirer de là !… s’écria le propriétaire de la bête, je ne permettrai pas qu’on touche à mon crocodile. Le public va s’écraser ici, désormais. Je ferai payer vingt copeks d’entrée et Karl n’aura plus besoin de nourriture.

— Grâce à Dieu ! fit la mère.

— Ils ont raison, remarqua Ivan Matveïtch d’un ton calme. Il faut avant tout considérer les choses du point de vue économique.

— Mon ami, m’écriai-je, je cours de ce pas chez nos chefs afin de porter plainte, car je vois bien que, seuls, nous n’en viendrions pas à bout.

— Je le pense aussi, répondit Ivan Matveïtch, mais, à notre époque de crise commerciale, il est assez difficile d’ouvrir le ventre d’un crocodile sans payer d’indemnité. Dès lors, une question se pose, inévitable : combien demandera ce propriétaire pour son crocodile ? Une deuxième question est le corollaire de la précédente : qui payera ? Car tu n’ignores pas que je n’ai point de fortune…

— A moins qu’on ne prenne une avance sur tes appointements, insinuai-je timidement. Mais le manager m’interrompit tout aussitôt :