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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/86

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Ce mot ne lui disait rien, car ses connaissances en géographie étaient très limitées, et, pour la première fois, il regretta, étant destiné à parcourir le vaste monde, de n’avoir jamais appris à le connaître, au moins dans ses grandes parties.

« Ça doit être en Autriche, dit-il, en quoi d’ailleurs il se trompait. Je demanderai au colonel Bernadieu, conclut-il ; il doit savoir où est ce pays-là. »

Le colonel Bernadieu réalisait, aux yeux de l’enfant, l’idéal du chef ; c’était le Dieu, le maître et la providence tout à la fois ; c’était surtout celui qui savait tout et devait tout savoir.

Et elle est encore juste, cette réflexion des pauvres gens qui arrivent de tous les coins de France, dans les régiments d’aujourd’hui ! À leurs yeux, le colonel, et, par extension, l’officier, est ce maître à qui ils sont tous disposés à obéir, qu’ils aiment, s’il est bon, qu’ils redoutent, s’il est dur ; c’est la providence sur laquelle ils comptent à toute heure pour les vêtir, les nourrir et les guider ; c’est le savant enfin, celui qui, par une instruction solide, a dû se rendre digne de leur donner des ordres indiscutés.

Si donc il en est parmi vous, mes enfants, qui aspirent à l’honneur de porter l’épaulette, qu’ils sachent longtemps à l’avance tout ce que leur imposera ce beau titre, tout ce que la France qui le leur confère est en droit d’attendre de leur caractère, de leur cœur et de leur intelligence.

« Je demanderai au colonel Bernadieu, » pensa encore l’enfant, en regardant une dernière fois l’uniforme de l’officier mort : tunique courte, vert foncé, à brandebourgs jaunes et collet rouge.

Il venait de franchir la porte de la cour, lorsqu’un craquement formidable se fit entendre ; c’était le sommet du pignon de la grange qui s’écroulait.

Un autre craquement suivit immédiatement le premier ; c’était un second boulet qui passait dans un ronflement furieux.

Des tuiles tombèrent sur les blessés avec des débris de plâtre et d’ardoises ; et, en même temps, le mur de gauche s’ouvrait béant, troué par les deux projectiles.

Les Prussiens reprenaient l’attaque. Et, instantanément, on entendit le bruit de la canonnade

Car, avant de lancer leurs colonnes d’infanterie, ils voulaient d’abord chasser, à coups de canon, les Français de la Croix-aux-Bois.

Jean se précipita dehors.