Aller au contenu

Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et vous ne seriez pas plus avancés pour comprendre, si je ne tenais à vous expliquer, très brièvement d’ailleurs, à quoi tient cette attitude de l’ingrate Italie. Car mon but, en écrivant pour vous ces récits de guerre, est de vous apprendre l’histoire, et cela c’est l’histoire d’hier et celle d’aujourd’hui.

Soyez tranquilles, d’ailleurs, ce n’est pas compliqué.

Quand Napoléon III, séduit par ce rôle de Libérateur des nations, mit l’épée de la France dans la balance et déclara la guerre à l’Autriche, les Italiens crurent, du coup, que tous les pays de langue italienne allaient être arrachés à l’Autriche et leur revenir sans contestation d’aucune sorte.

Libre jusqu’à l’Adriatique !

Tel était le mot qui courait, en 1859, d’un bout de l’Italie à l’autre.

Or, après sa victoire, chèrement achetée, de Solférino, l’Empereur des Français commença à trouver que la continuation de la guerre allait l’éloigner de plus en plus des frontières de France, qu’elle faisait couler pour d’autres le plus précieux du sang français, et qu’il avait assez fait pour ses bruyants protégés.

Sans crier gare, il traita directement avec l’Empereur d’Autriche, un brave homme de souverain qui répugnait, lui aussi, à la guerre, et tous deux, sans avoir recours aux diplomates — ce qui fut considéré comme l’abomination de la désolation, — signèrent le traité de Villafranca, qui donnait à l’Italie la Lombardie, mais laissait au pouvoir de l’Autriche certaines provinces, comme le Trentin et la Vénétie, et certaines villes, comme Trieste.

En apprenant qu’ils n’auraient pas tout ce sur quoi ils avaient compté, Cavour, le ministre de Victor-Emmanuel, poussa des cris d’orfraie, les Italiens crièrent plus haut que lui, et voilà comment, mes enfants, une lutte sanglante entreprise et menée à coups de victoires pour rendre à un peuple sa liberté, nous fit de ce peuple un ennemi acharné.

Et le plus beau de l’histoire, c’est que tout en se déclarant « irredente », c’est-à-dire décidée à recouvrer un jour ou l’autre les provinces restées sous le joug de l’Autriche, c’est à l’Autriche elle-même que l’Italie s’est alliée contre nous depuis trente ans.

Cette alliance-là, par exemple, je ne me charge plus de vous l’expliquer ; je la constate seulement et, loin de la croire éternelle, j’attends le jour, prochain d’ailleurs, où le peuple, italien, trouvant plus avantageux de la