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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/151

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Combien appartenaient à des contrées encore inconnues, où jamais explorateur n’avait pénétré !

Quelle signification pouvait avoir ce mot d’ « Europe », pour ces ignorants dont l’horizon s’était toujours limité à quelques kilomètres de forêts ou de marécages !

Et pourtant ils allaient au rendez-vous, prêts à donner leur vie à la religion nouvelle qui les avait arrachés à leurs idoles de bois, aux cruautés de leurs chefs, aux fantaisies sanglantes de leurs sorciers et de leurs « gangas », et persuadés qu’ils connaissaient seuls le vrai Dieu, ils étaient prêts à imposer leurs croyances par le fer et le feu, à ces Blancs, dont ils entendaient parler pour la première fois.

Les derniers contingents attendus étaient arrivés à Atougha depuis une semaine et l’immense plaine retentissait d’un murmure de ville, lorsqu’un jour de Melval, après une promenade dans les baneraies, remarqua un rassemblement assez considérable de nègres autour d’une tente plus haute que les autres.

— Allons voir cela, dit-il à Hilarion qui ne le quittait pas d’une semelle : j’ai beau essayer de ne pas m’intéresser à tout ce remue-ménage, c’est plus fort que moi.

Et il ramena sur le bas de sa figure le bord de son haïk.

Depuis leur retour d’Aghadès, les cinq fugitifs étaient libres d’errer à leur guise et même d’aller à la chasse.

L’accès du bôma, seul, leur était interdit.

La protection d’Omar les couvrait mieux que ne l’eût pu faire une escorte permanente, et le costume arabe qu’ils portaient, comme s’ils n’en eussent jamais connu d’autre, les faisait passer inaperçus dans cette foule grouillante.

Le fils du sultan leur avait fait construire, au milieu du village noir des Soudanais de la garde, une cabane spacieuse, et rien, sinon le souvenir de la parole donnée, ne pouvait leur rappeler qu’ils étaient prisonniers.

— Allons voir ça, mon capitaine, dit Hilarion, dont la bonne humeur ne s’était pas démentie un seul jour depuis l’arrivée et qui faisait la joie des Soudanais, par les exercices et les grimaces dont il avait un stock inépuisable.

Ils percèrent la foule des noirs et, au milieu du demi-cercle étroit formé par les curieux, ils aperçurent un nègre