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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/152

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athlétique, administrant une série de coups de bâton à un indigène des Niam-Niam, nu jusqu’à la ceinture.

Il frappait avec une canne de sorgho sur le dos et les épaules du patient qui, debout, n’était retenu par aucun lien et supportait les coups avec un stoïcisme parfait.

De temps à autre seulement ses lèvres s’entr’ouvraient pour marmotter un verset du Coran.

Le sang coulait abondamment des zébrures sanglantes qui rayaient la peau d’ébène, lorsque l’exécuteur s’arrêta.

Une femme se précipita sur le patient, lui couvrit le dos d’un burnous brun et l’entraîna, pendant qu’un crieur jetait à la foule quelques paroles scandées de cette voix de tête, dont les chanteurs arabes et les muezzins semblent avoir le monopole.

De Melval comprit que l’homme qui venait d’être flagellé était un Raïs-el-Saff[1], qui avait manqué de surveillance sur les armes de sa troupe et qui, indépendamment de cette punition publique, était cassé de son grade pour avoir égaré des cartouches.

Et, à ce moment, il remarqua le fils du sultan qui, assis sur un burnous étendu à l’entrée de sa tente, avait assisté à l’exécution.

Omar, de son côté, l’avait aperçu et, d’un signe, lui avait montré une place auprès de lui.

— Si tu es curieux, lui dit-il en français, tu vas voir mieux qu’une simple bastonnade.

— Quoi donc ?

— Une exécution.

— Diable ! ce n’est pas que j’y tienne beaucoup ; qu’a fait le malheureux ?

— Il a vendu son fusil.

— Et tu l’as condamné à mort pour ce fait là ?

— Non, pas à mort, mais à la perte d’un membre. C’est le règlement.

— Le règlement ? Lequel ?

— Celui que mon père a édicté pour son armée, et tu vas voir s’il est appliqué et respecté, car le condamné d’aujourd’hui, un indigène du Benin, ayant invoqué une coutume de

  1. Chef de rang.