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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/209

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Notre-Dame-de-la-Garde et les pelouses du château Borelly, virent le Tzar quitter le sol par un temps magnifique, s’élever verticalement dans un ciel sans nuage et sans vent, et décrire son premier élément descendant, comme s’il eût voulu raser la plaine liquide.

On eût dit un galet lancé par la main d’un dieu, de manière à ricocher à la surface des eaux, et les respirations restèrent suspendues jusqu’au moment où, arrêté dans sa chute, il repartit dans les immensités bleues.

Les Marseillais ne devaient plus revoir le Tzar.

Et ce fut un voyage merveilleux que celui-là.

Une heure et demie à peine s’était écoulée depuis que le ballon avait quitté le rivage, et déjà les côtes de Provence avaient disparu.

De tous côtés l’eau s’étendait en une immense nappe, tantôt d’un bleu céleste se fondant à l’horizon avec le ciel lorsque l’aérostat était à son apogée, tantôt d’un vert d’émeraude lorsqu’il descendait au périgée.

Ces deux termes, empruntés à l’astronomie et caractérisant le point le plus éloigné et le plus rapproché de la terre par rapport au soleil, servaient à désigner les altitudes maxima et minima du ballon.

La comparaison était assez juste.

Le Tzar n’était-il pas un satellite dépendant de la terre, s’en éloignant ou s’en rapprochant suivant que la pesanteur agissait plus ou moins sur lui ?

Vers midi, l’aérostat croisa les paquebots partis la veille de Marseille, et peu après ceux qui arrivaient d’Alger ; ils semblaient de petites barques de pêcheurs laissant derrière elles un sillon blanc qui restait visible pendant plusieurs milles.

— Voyons, mon cher oncle, fit Guy, c’est le cas de tenter ce que nous n’avons jamais pu faire à terre : notre expérience de rasance maximum.

— As-tu projeté de nous faire boire un coup ?

— Non pas, ce serait un fâcheux début : mais en y allant prudemment, progressivement surtout, nous pouvons, nous devons arriver à raser l’eau comme une mouette.

— Le fait est qu’elle obéit joliment, notre embarcation, et cela sans gouvernail.