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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/284

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sur le sable comme par un coup de baguette magique.

Une ville de toile blanche que rougissaient les derniers rayons du soleil, disparu derrière l’horizon comme un bolide éteint.

Une ville gaie, proprette, coquette, régulière, auprès de laquelle la plus moderne des cités n’était qu’un dédale de rues tortueuses.

Pas un bataillon qui n’eût ses faisceaux rigoureusement alignés, ses faces correctement dirigées, ses rues de largeurs égales, son aspect de redoute inexpugnable de tous côtés.

Chacun d’eux était devenu un carré parfait, dont chaque face était formée par une compagnie ; mais pour diminuer les dimensions des carrés et ne pas empiéter sur les intervalles qui devaient séparer les unités de combat, les escouades impaires campaient en première ligne et les escouades paires formaient en arrière d’elles une ligne rigoureusement parallèle.

Derrière les lignes des compagnies, les tentes des officiers se dressaient : « tentes bonnet de police ou tentes marquises », coquettes et variées de formes.

Ici et là, quelques grandes tentes de seize hommes ou tentes « marabouts », comme les appellent les soldats, étaient affectées aux « gros légumes » ou aux états-majors ; mais elles étaient rares, car, lourdes et difficilement transportables, elles avaient été réduites par le général en chef au strict minimum, pour ne pas augmenter encore le chiffre énorme des mulets de bât.

Au centre des carrés, les animaux se groupaient, attachés à des cordes circulaires. s’ébrouant, se roulant à terre, joyeux d’être débarrassés du fardeau quotidien, faisant disparaître dans le sable chaud la sueur de la marche.

Ceux de l’artillerie surtout manifestaient leur satisfaction par des contorsions multiples, restant en équilibre sur la crête de leur dos, les pattes en l’air, s’étirant, oubliant les lourds petits caissons et les canons à tir rapide remontés en arrière sur leurs affûts et alignés comme à la parade.

Et de tout cela montait une intensité de vie, de mouvement et de couleur qui était une griserie pour l’œil.

Le tumulte de l’installation grandissait ; c’étaient des cris, des appels joyeux partant en fusées.