Ainsi devaient se comporter, au camp, les mercenaires gaulois que Carthage employait contre les Numides de Jugurtha et les Mauritaniens de Bocchus, sous ce même ciel quelques deux mille cinq cents ans auparavant.
Mais c’était surtout autour des chameaux que le bruit devenait assourdissant.
Quand on le charge, le chameau pousse des cris effrayants ; quand on le décharge, il crie encore[1] ; il doit y avoir entre ces deux manifestations, d’origines si diverses, de sérieuses différences d’inflexions ; mais, pour une oreille humaine, elles se noyaient dans une abominable cacophonie.
Les conducteurs couraient de tous côtés : les uns débarrassant l’animal de ses sacs d’orge, de ses caisses de biscuits ou de ses tonnelets d’eau ; les autres, transportant les charges en des points déterminés par les Bach-Hamar[2] ; ceux-ci, plantant des piquets pour fixer leurs animaux ; ceux-là, leur soulevant une jambe de devant et en attachant l’extrémité à la sangle, pour leur ôter toute tentation de s’échapper sur trois pattes seulement.
Les appareils de forages artésiens se dressaient semblables aux « chèvres » puissantes qui servent aux manœuvres de force de l’artillerie de place, et l’on entendait le bruit sourd et répété du « mouton » de fonte qui, rapidement, enfonçait dans le sol les tubes d’acier vissés l’un dans l’autre.
Le général examinait, l’air épanoui ; c’était la première fois qu’il avait à sa disposition un observatoire semblable et qu’il dominait ainsi tout son camp.
Partout les feux flambaient ; quand la nuit arriverait la soupe serait faite, et le sommeil, le bon sommeil qui donne des forces pour la bataille, s’étendrait sur tout cela.
Déjà, les ordres concernant des distributions supplémentaires de café et d’eau s’exécutaient : de tous les bataillons, des petits groupes se détachaient au pas gymnastique, conduits par des fourriers, et convergeaient vers les arabas de l’administration.