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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/290

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Allait-elle s’arrêter à quelques kilomètres du camp français, ou pousser jusqu’au contact ?

Là était la question que se posait l’ingénieur avec une poignante anxiété.

A huit heures et demie cependant, las d’observer, il s’était décidé à venir partager le repas du soir avec ses deux compagnons de route.

A tout autre moment le tableau qui se déroulait à leurs pieds les eût enthousiasmés.

La ruche humaine, qui s’était abattue sur ce coin du Sahara était en pleine activité.

De partout la gaieté montait sous sa forme la plus militaire et la plus expressive : la chanson.

Insouciants du lendemain et d’un danger qu’on les avait habitués à mépriser, les soldats célébraient à l’avance leur victoire.

Les chœurs surtout dominaient ; on en devinait, plutôt qu’on n’en voyait, les groupes assis en rond en avant du front de bandière.

Les feux s’étaient éteints, maigres feux, car les cuisines des escouades n’avaient eu pour les alimenter que la modique ration de chauffage de l’administration.

Impossible, même au plus « débrouillard », de trouver aux alentours ces buissons épineux de « brûle-capotes » ou de jujubiers qui donnent la joyeuse flambée du soir, car il était interdit de s’éloigner du camp à plus de 100 mètres, et les chameaux seuls eussent été capables de trouver les racines étiques que la marâtre nature saharienne tient cachées pour eux sous le sable.

— Les armes sont-elles distribuées ? demanda l’ingénieur.

— Elles sont prêtes. répondit Guy. Il suffira de les monter tout à l’heure ; elles sont dans ma cabine.

— Mais, demanda Saladin, nous ne pouvons rester à une hauteur aussi faible au-dessus du sol. L’enveloppe du ballon serait facilement traversée par une balle, et je ne vois pas trop comment on en boucherait les trous.

— Ce serait assez délicat, mais nullement impossible, répondit l’ingénieur, car j’ai du prévoir le cas. Botta, le plus petit et le plus leste de nos hommes d’équipage, n’est pas sujet au vertige, et peut aller placer sur l’orifice des tampons