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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/295

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le trou de l’écoutille ouverte, échappant, grâce à l’anxiété générale et à l’ombre du soir, à l’attention des hommes d’équipage postés dans les hunes supérieures.

Puis ils s’étaient retrouvés dans la cabine de Saladin la porte fermée, attendant tranquillement ce que voulait d’eux la fatalité, ou plutôt l’homme qui, à cette heure, la représentait à leurs yeux.

L’interprète avait posé la carabine contre la paroi de sa cabine. Il fit un geste qui voulait dire : « Celle-ci est pour moi ».

— Et voici pour vous, ajouta-t-il, en montrant les poignards.

Les yeux des Touaregs brillèrent dans l’obscurité comme l’acier des deux lames.

L’interprète trancha les liens qui leur retenaient les mains.

Ils eurent, un mouvement en se sentant libres, mais le réprimèrent aussitôt.

Saladin mit de nouveau son doigt sur ses lèvres.

On montait et descendait l’échelle de fer ; sans doute Guy, ayant mis la machine en mouvement, remontait sur le pont.

Quand le bruit eut disparu et que la plaque de l’écoutille fût retombée, précaution indispensable, car il n’y avait pas de garde-fou autour de l’ouverture, l’interprète parla.

Sa voix n’était qu’un souffle, et ses interlocuteurs s’étaient penchés vers lui, si près que leurs têtes se touchaient.

— Rappelez-vous, dit-il, je vous ai promis de vous délivrer. Je commence à tenir ma promesse ; voici des armes et vos mains sont libres. Êtes-vous prêts à frapper tous ce chiens qui sent là-haut ?

Ils inclinèrent la tête d’un mouvement saccadé.

— Vos bras sont-ils forts ? ne trembleront-ils pas ?

Un sourire passa sur leurs lèvres serrées, donnant à leur face teintée d’indigo une expression d’ironie sauvage.

— Quand je viendrai vous ouvrir, poursuivit l’interprète, vous me suivrez, vous monterez… et alors… jetez-vous comme des tigres sur tout ceux qui seront là… tuez tout !… vous avez compris, tout !…