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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/320

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Brantane et Regnard n’arriveront à monter seuls ce blessé ; ce qu’il faudrait pour les aider, c’est une corde avec laquelle on le hisserait d’ici.

— Je crois que vous avez raison, monsieur, dit le mécanicien.

— Je vais donner mon idée à M. de Brantane et lui crier d’attendre. Allez vite, je vous en prie, dans ma cabine ; vous y trouverez ce qu’il faut, une bonne corde de longueur voulue, roulée et suspendue contre le hublot, à la tête de mon lit.

— J’y vais, dit Gesland, et il se précipita vers l’écoutille.

— Tenez, mon ami, poursuivit Saladin, voici ma clef… j’avais fermé ma porte !…

Si, à ce moment, Gesland eût observé attentivement le visage de son interlocuteur, il en eût été effrayé.

S’il eût touché la main qui lui tendait la clef, il l’eût sentie trembler comme celle du voleur qui fouille fiévreusement dans un coffre-fort près d’un cadavre encore chaud.

Mais Saladin était maître de lui ; il imposa le calme à ses nerfs et se dirigeant vers le bateau de cuir, il prit négligemment sa carabine qu’il avait eu soin d’y déposer, poussa l’index qui en assurait le fonctionnement immédiat, et attendit.

Une seconde se passa, puis un cri rauque, étouffé sortit des profondeurs de la nacelle.

L’ingénieur se retourna.

Au même moment une tête horrible, grimaçante, apparaissait à l’orifice du panneau,

C’était le premier Targui, le couteau aux dents.

En se précipitant sur le malheureux Gesland, il avait perdu son turban et… il était affreux avec son crâne rasé sur lequel se hérissait le mahomet déjà gris ; la peinture indigo, qui recouvrait sa figure, s’arrêtait au sommet du front, lui donnant un aspect étrange et féroce.

Puis, presque aussitôt, la tête du Second se montra convulsée, hideuse de férocité, elle aussi, et tous deux bondirent comme des démons sur la plateforme.

L’ingénieur s’était précipité vers la hache de manœuvre pendue au pied du baromètre.

Mais avant qu’il l’eût atteinte, il tombait foudroyé.