mon pays et à l’étranger, j’ai juré une haine mortelle à une société où l’homme ne peut trouver sa place au soleil ; j’ai en horreur le monde civilisé, ses religions hypocrites, ses gouvernements durs aux misérables. Tu as rêvé son bouleversement, je puis t’aider dans ta sinistre besogne : veux-tu de moi ?
Tout cela était dit froidement, résolument.
On sentait que l’homme qui parlait ainsi disait la vérité, qu’une haine mortelle remplissait son cœur et qu’il appartiendrait à celui qui lui donnerait les moyens de l’assouvir.
Il s’était tu, et comme le sultan continuait à le fixer sans répondre.
— Tu doutes encore, reprit-il ; que peut-il te coûter d’user de moi, de me mettre à l’essai tout au moins. Si je t’ai trompé, ne peux-tu me prendre la vie quand et comme tu le voudras ? C’est le seul bien qui me reste et j’y tiens si peu vraiment… Mais je voudrais tant me venger auparavant.
— Et comment te vengerais-tu, demanda Abd-ul-M’hamed.
— J’ai inventé un explosif dont les effets sont effrayants, répondit l’Anglais : celui-là je n’en ai livré le secret à personne. Je le garde pour toi si tu acceptes mes services. I
— Mais pour fabriquer les substances explosibles, il faut des usines, des acides, des éléments de toutes sortes que je n’ai pas, que je ne puis traîner derrière moi.
— L’explosif que je t’offre ne nécessite aucune installation ; je puis le fabriquer par masses en plein air, et les éléments qui entrent dans sa composition se trouvent presque partout sur ta route.
— Et quels sont-ils ?
— Permets-moi de garder mon secret jusqu’au jour où tu auras confiance en moi.
— Mais comment puis-je savoir que tu le possèdes réellement ?
— En consentant à en voir les effets.
— Comment cela ?
— Ici même ; la rivière qui te fournit l’or fait, à 500 mètres d’ici, une chute de 30 mètres ; l’eau tombe en deux nappes distinctes séparées par un énorme rocher.
— Oui ! « El Kef ».
— Veux-tu que je le fasse disparaître ?