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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/85

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Et comme il allait s’éloigner, la porte s’ouvrit et une forme blanche et bleue apparut dans l’entre-baillement de la toile.

— C’est toi, Nedjma ? tu ne dors donc pas ? demanda en arabe l’officier à voix basse.

— Non, dit-elle, je n’ai pu dormir et j’allais frapper à la tente pour chasser le sommeil de tes yeux.

— Mais tu le vois, il ne veut pas venir.

— Tant mieux, tu vas te promener avec moi.

— Une promenade à cette heure ?

— Oui, n’est-ce pas la meilleure ! le soleil est loin, le sable n’est plus chaud, tes soldats dorment…

— Et où veux-tu aller ?

— Du côté du fleuve.

— Drôle d’idée, fit l’officier.

— Oh ! je t’en prie, insista-t-elle, tu ne sais pas le plaisir que j’aurais ce soir à marcher à tes côtés.

— Allons, soit, petite capricieuse, dit le capitaine, qui, ayant l’intention d’aller faire un tour à la belle étoile, n’était pas fâché d’avoir une compagne de rêverie.

Nedjma avait quatorze ans ; c’était une Mauresque des bords de l’Océan, de cette tribu des Ouled-Delim à laquelle appartenait la ravissante Eliazize, qui avait charmé la dure captivité de Camille Douls, lorsque cet intrépide voyageur fit, déguisé en Arabe, l’exploration qui devait lui coûter la vie quelques années plus tard.

Elle était blanche, au teint chaud : ses grands yeux noirs étaient ceux que les Arabes appellent des yeux de gazelle ; sa beauté sauvage, la grâce de sa démarche, la noblesse de son attitude, la régularité de ses formes, la douceur de son regard, tout contribuait à en faire une créature charmante.

Comment se trouvait-elle dans ce camp français au lieu, d’habiter sous les tentes de ses parents ?

C’était un de ces drames si fréquents sur la terre d’Afrique qui l’avait jetée à 600 lieues de son pays.

Son père était cheik de l’une des fractions des plus importantes des Ouled-Delim ; elle vivait heureuse dans son douar, lorsqu’un jour, en revenant seule de la traite des chamelles, elle avait été saisie, enlevée par des ravisseurs à