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Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/87

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pagne, une photographie de jeune fille qui ne ressemblait nullement à la petite Mauresque.

On savait que c’était sa fiancée, et un officier, le lieutenant Zahner, connaissait même de vue Mlle Christiane Fortier.

Zahner, lui, était un Alsacien, bon vivant, aussi expansif que de Melval était réservé et quelquefois taciturne.

Au physique, ils étaient aussi dissemblables :

Zahner était d’un blond roux, au teint coloré, taillé en hercule et laissant vagabonder sur sa poitrine une barbe fauve qui le vieillissait de dix ans.

De Melval était brun et fluet ; il avait le teint pâle, les yeux noirs et ombragés de cils très longs, qui leur donnaient une grande expression de douceur.

Quand Zahner avait appris l’histoire de la Mauresque, il avait eu une réflexion qui le peignait sur le vif :

— Est-ce que cette petite Nedjma, avait-il dit en riant, n’aurait pas mieux fait de tomber dans mon lit qu’à côté du sien ?

La jeune fille portait le vêtement des femmes de sa tribu : une longue pièce de cotonnade bleue, drapée très artistement autour de son corps et laissant voir un sein nu.

Ses cheveux très noirs ondulaient librement sur ses épaules, recouverts d’un voile blanc tombant en arrière, comme celui des femmes de l’époque biblique.

Elle était parée de quelques bijoux qui ne la quittaient jamais : deux gros anneaux massifs en argent serraient ses chevilles et se heurtaient fréquemment lorsqu’elle marchait.

Au-dessus du coude, elle portait un bracelet plat en or, et, au cou, une chaînette de corail a laquelle pendait une amulette en cuir rouge, sur laquelle était écrit un verset du Coran.

— Comme les étoiles sont brillantes ce soir, dit-elle d’une voix qui ressemblait à un gazouillement d’oiseau ; il fait bon respirer, allons loin, veux-tu ?… Lioune.

Elle prononçait ainsi son petit nom de Léon, et ce nom avait dans sa bouche un charme indéfinissable.

Elle parlait l’arabe presque pur que comprenait l’officier et non pas le dialecte témahaq, employé par la plus grande partie des tribus du Sahara.