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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/107

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Maintenant, poursuivit-il, nos gens vont partir en reconnaissance c’est l’heure favorable et nous saurons bientôt si l’escadre a mis ses filets ce soir.

— Avec la lumière électrique qui va éclairer l’eau comme en plein jour, dit le Sultan, il me parait bien impossible à une de nos embarcations d’approcher d’un de ces bâtiments.

— Aussi n’est-ce pas une embarcation qui ira reconnaître, ce sont des hommes isolés.

— À la nage ? Sur un pareil parcours ?

— Non pas : regardez !

Par les fissures des rochers, une vingtaine de naturels venaient de sortir : ils marchaient avec précaution, le dos baissé, et chacun d’eux trainait derrière lui une grande écorce de liège de longueur d’homme.

Il était impossible de les distinguer des bâtiments, fût-ce avec la meilleure des longues-vues, car ils se confondaient avec les buissons de lentisques qui émaillaient la plage.

Ils arrivèrent au rivage, mirent leurs planches à l’eau, s’étendirent à plat sur cette embarcation primitive dont l’avant était un peu relevé pour donner appui au menton, et, ramant vigoureusement des deux mains, ils s’éloignèrent rapidement dans plusieurs directions. Leur corps tout entier avait disparu entre deux eaux, et le sommet de leur tête seul émergeait à la surface.

Un léger plissement de l’eau marquait la trace de leur passage : à vingt mètres, il était impossible de se douter qu’un homme était là.

— Ce sont des plongeurs Danakils, dit le Sultan ; je les reconnais.

Les Danakils, encore appelés les Afars, qui habitent les côtes orientales de la mer Rouge, sur un espace de plus de 400 kilomètres, en ont été jadis les écumeurs redoutés ; vivant de chasse, de pèche, de vols et de rançons, ces indigènes, dont le nom signifie « les Errants » étaient, avant l’invention des bateaux à vapeur, la terreur des bâtiments marchands qui passaient à portée de leurs côtes, et ils n’avaient pas pardonné aux Européens de leur avoir rendu la piraterie impossible en les poursuivant dans les criques du littoral et à travers leur refuge habituel des Iles coralligènes.