Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/118

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— De sorte qu’à notre arrivée à Stamboul nous la trouverons au harem ?

— Hélas, oui !

— Alors elle est perdue !

Et le jeune prince se tut, les yeux fixés à terre.

Sa mère, une ravissante Caucasienne, avait quatorze ans lorsqu’elle avait été envoyée d’Erzeroum au Sultan par le Vali de cette province, et de suite elle était devenue la favorite du Maître.

L’année suivante Omar venait au monde.

Quand le sultan Abd-ul-M’hamed avait dû quitter le palais d’Yldizkiosk, sa fuite avait été si précipitée qu’il n’avait pu emmener avec lui sa femme préférée. Cependant il avait pour elle une affection dont les pays orientaux ne donnent que peu d’exemples, et en partant il lui avait fait dire par un serviteur fidèle de tout tenter pour le rejoindre.

Mais l’usurpateur avait, en même temps que le trône, pris le sérail de son prédécesseur, et quelque temps après, un émissaire du parti, resté fidèle au sultan déchu, avait apporté à celui-ci la nouvelle que la sultane favorite avait partagé la couche du nouveau maître.

Ah ! l’horrible nouvelle ! Omar se rappelait encore du jour où elle les avait rejoints à travers les solitudes du Bahr-el-Ghazal. Ils étaient campés dans une île couverte de papyrus, sans ressources, exténués, à demi morts de fatigue.

Il avait cru que son père deviendrait fou de rage et de désespoir ce jour-là. Jamais il ne l’avait vu et ne devait le revoir dans cet état.

Et quand, lui son fils, avait essayé de la défendre, disant qu’à son âge, elle avait trente-sept ans, c’était certainement à son corps défendant qu’elle avait trahi la foi jurée, que le maudit était le maître qui l’avait violentée par bravade, pour insulter encore au malheur du Sultan tombé, Abd-ul-M’hamed, farouche, avait répondu :

— Ne la défends pas ! N’essaie pas de la justifier !… Elle aurait dû se tuer pour éviter cette honte ; les poisons ne manquent pas à Yldizkiosk… Que Dieu la maudisse comme il a maudit la femme de Loth !… Quant à lui, s’il me tombe