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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/123

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Monté sur un superbe coursier ramené du Kordofan, Abd-ul-M’hamed et Omar, escortés de quelques Touaregs, se dirigèrent vers la cluse rocheuse où le renégat avait établi son usine improvisée.

De Melval et Zahner s’étaient joints à son escorte.

Depuis qu’ils avaient quitté les rives du Nil, les deux officiers avaient passé de tristes heures, songeant aux camarades restés là-bas près de Laghouat et ne pouvant se défendre de sombres pressentiments.

lis commençaient à croire en effet à l’extraordinaire puissance de l’effort qui se développait sous leurs yeux.

Chaque jour dans leur course rapide du Nil à la mer Rouge, ils avaient rencontré et dépassé des fourmilières humaines en marche ; jamais, avant d’avoir vu par eux-mêmes, ils n’eussent cru que ces contrées de l’Afrique centrale pussent armer tant de bras.

Ce n’était plus une insurrection, comme ils l’appelaient d’abord : c’était décidément une invasion qui se concentrait.

Qu’allait-il advenir ?

Ou bien arrêté en Asie, ou encore refoulé par les puissances de l’Europe centrale, le torrent n’arriverait pas jusqu’au Rhin.

Ou bien il atteindrait la France après avoir tout balayé devant lui, et maintenant cette hypothèse ne leur paraissait plus absurde comme au début.

La Russie, l’Allemagne, l’Autriche, les royaumes des Balkans pouvaient leur opposer des millions de soldats, c’est vrai ; mais l’élan de la race noire devenait si impétueux, ses procédés de guerre étaient si différents de ceux que l’Europe connaissait, la cruauté des envahisseurs menaçait d’être si démoralisante que les deux officiers commençaient à douter.

Ben Amema avait bien détruit l’armée d’Afrique !

Et si l’Invasion noire arrivait au Rhin !

Alors ils recouvraient leur liberté.

Et cette pensée seule, si lointaine fût-elle, les soutint.

Dès lors ils observèrent tout ce qui se passait autour d’eux, non plus en désœuvrés et en curieux, mais en soldats.