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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/129

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Et comme Abd-ul-M’hamed, après une marche très lente au milieu de leurs flots pressés, allait s’engager dans une faille étroite et franchissait le cordon de sentinelles qui isolait complètement l’usine de tout contact indiscret, il vit venir au loin trois cavaliers au grand galop de leurs chevaux.

L’un d’eux brandissait un sabre nu à son turban vert, à son haïk blanc, le Sultan reconnut un des janissaires préférés qu’il avait détachés auprès du roi Mounza ; deux autres cavaliers du Darfour le suivaient de près.

En quelques instants ils arrivèrent devant le Commandeur des croyants et sautèrent à bas de leurs chevaux leurs chabirs, grands éperons d’acier, étaient rouges du sang de leurs montures.

Puis le janissaire prit dans un sac de peau, suspendu à sa selle, un paquet informe où l’on ne distinguait d’abord que du sang coagulé, le tint suspendu quelques instants au-dessus de sa tête et le jeta aux pieds du cheval d’Abd-ul-M’hamed.

De Melval reconnut une tête coupée, une tête aux cheveux crépus très noirs, à la barbe courte, aux yeux blancs.

— La tête du négous Ménétik, fit le Soudanais : c’est le roi Mounza qui l’envoie.

Le Sultan eut un éclair dans le regard, et fit reculer son cheval pour mieux voir le funèbre cadeau.

Il se rappelait qu’à celui-là aussi il avait jadis, après sa chute, fait demander l’hospitalité. Mais l’Italie veillait, l’Italie, satellite coloniale de l’Angleterre, et elle n’avait pas permis qu’un roi protégé par elle accueillit l’ennemi de la Grande-Bretagne.

Tous, il les châtierait ; tous, l’un après l’autre.

Et d’une voix lente

— Le voilà donc, ce fou qui prétendait descendre du roi Salomon et de la reine de Saba ! il croyait l’Abyssinie le plus grand des royaumes, se faisait appeler « le roi des rois » et se crut assez fort pour s’opposer à mes desseins : le voilà !

— Et la reine ? fit-il après un instant de silence.

— La reine Taïtou est prisonnière : elle arrivera dans quelques jours au camp.

— Je ne veux pas la voir. Dis à Mounza que je la lui