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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/131

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— Tu la lui reporteras ; où est en ce moment Mounza ?

— II est resté quelques jours au monastère du lac Zwaï, que jamais homme armé n’avait franchi.

— Je connais sa renommée, dit le Sultan. N’est-ce pas celui qui devait contenir, d’après la tradition juive, les tables de la loi d’Israël et le fauteuil d’or massif de Salomon ?

— Oui, Maître. On n’a pas trouvé ces objets ; mais il y avait des trésors de toute sorte que le roi va t’envoyer.

— Tu diras à ton maître de se hâter, car le moment est proche, et l’armée du Mahdi est tout près d’ici : va !

Quand les indigènes se furent éloignés dans la direction du camp, de Melval, qui était resté en arrière avec Omar, l’interrogea.

— Alors, l’Abyssinie est détruite ?

— Oui, ou du moins tu as entendu ce que disait ce messager : la noblesse et le clergé seuls ont été massacrés. Ne t’étonne pas de ce qui est arrivé là ; l’œuvre de l’Islam s’accomplit le plus souvent ainsi, délivrant les opprimés et abattant les oppresseurs. En aucune partie de l’Afrique il n’y avait d’hommes aussi malheureux qu’en Abyssinie ; le peuple y était divisé en deux classes : les « wattaders » ou soldats, et les « gabarres » ou serfs. Le soldat y mourait de faim, n’était pas payé et menait la vie la plus misérable qui fût ; le paysan était plus à plaindre encore si possible : c’était une vraie bête de somme ; il était propriétaire du sol, c’est vrai, mais il devait à son seigneur la plus grande partie de sa récolte, l’impôt en argent, en chevaux, en miel, en ivoire, en musc et en peaux de léopard ; quand il avait tout payé, il était ruiné à plate couture.

— Et les nobles ?

— Abrutis par l’abus du « haschisch », cet opium d’Afrique, et à tel point que quelques-uns se faisaient enterrer un bras dépassant le sol pour en demander encore après leur mort.

— Je croyais que la religion catholique…

— La religion catholique, telle qu’elle est comprise aujourd’hui par eux, avait développé leur paresse en introduisant chaque année dans leur calendrier cent soixante fêtes de saints pendant lesquelles tous se reposaient, sauf les femmes vouées aux plus durs travaux. Il y avait même chez eux un usage assez curieux et qui te montrera la fixité