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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/143

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Et le jeune prince raconta à son camarade de promotion ce qu’il savait du renégat, de son passé, de ses inventions et de sa redoutable rancune.

— En un mot, fit de Melval quand il eut terminé, c’est une parfaite canaille, et ce que tu m’apprends là ne fait que confirmer mon opinion sur son compte ; mais je constate que vous employez dans cette lutte contre nous nos propres armes fournies par la trahison : ici l’aérostation, là les explosifs : singulier procédé !

— Singulier procédé ! Ah çà ! d’où sors-tu ? et quelle illusion peux-tu encore conserver ! s’écria Omar avec véhémence, sur la marche de nos armées et les moyens que nous comptons employer. Ne vas-tu pas chercher la stricte observation des lois de la guerre dans ce qui se passe ici et me parler des règles internationales ? Pourquoi pas la Convention de Genève, pendant que tu y es ? C’est cela qui ferait bien avec de braves nègres dont la plus intime satisfaction est de couper le cou à un ennemi blessé !

— Je le sais bien, va, et il me semble parfois faire un affreux cauchemar en songeant à ce qui se prépare ; comme d’autre part les armées européennes vont résister avec la dernière énergie, ce sera une lutte sans précédent.

— Lutte dans laquelle nous aurons pour nous un élément de succès que tu ne soupçonnes pas.

— Lequel ?

— La terreur inspirée par la cruauté des nôtres ; quand vos soldats sauront qu’ils n’ont aucune espèce de merci à attendre, et que nous ne faisons ni quartier ni prisonnier, ils perdront beaucoup de leur bravoure naturelle.

— À moins que vous n’obteniez l’effet contraire, fit de Melval. Ainsi au Tonkin, où nos soldats savaient qu’ils seraient livrés au plus affreux supplice s’ils tombaient entre les mains des Chinois, ils ont redoublé de courage et d’énergie.

— Mais, mon pauvre ami, les Chinois sont des êtres humains comparés à certaines peuplades du Tibbou, des Chillouks et des Ouregga. Je te réponds que, quand tu les auras vus à t’œuvre, il te passera dans le dos quelques frissons dont moi-même je ne suis pas toujours indemne.