Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/147

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main et un sac d’opium de l’autre, font à la fois les affaires de Dieu, celles de l’Angleterre et les leurs propres, beaucoup plus soucieux de fonder un comptoir que de sauver des âmes ? Non, vois-tu, que chaque peuple reste là où Dieu l’a placé, et n’aille pas tenter de conquérir des territoires où vivent à leur gré et suivant leurs traditions, des populations inoffensives.

— Oh ! inoffensives ! tu avoueras pourtant que Behanzin avec ses massacres annuels qu’il appelait des « coutumes », méritait bien ce qui lui est arrivé, et que la France a parfaitement bien fait de mettre le nez dans ses affaires.

— Behanzin était un fétichiste. Si la France n’avait pas arraché les Dahoméens à ces pratiques sanguinaires, les musulmans, descendus du Niger, allaient le faire… Mais de cette longue digression, je reviens à l’origine de notre conversation. Tous les vaisseaux qui sont là sont condamnés, toute exception est impossible. D’ailleurs le moment sera court : jamais vaisseaux torpillés n’auront disparu avec une pareille vitesse ; songe, en effet, que ce n’est pas une seule ouverture, mais trente ou quarante qui se produiront dans la coque de chaque bâtiment. Il n’y aura donc pas de cloison étanche qui tienne, et ce sera l’engloutissement immédiat.

Ils rentraient au camp et comme ils allaient se quitter, de Melval demanda encore

— C’est pour bientôt ?

— Oui, mais je ne puis en préciser le jour.

Et comme l’officier restait silencieux :

— Je n’ai pas besoin de te rappeler, fit Omar en le regardant fixement, qu’en te permettant de suivre nos opérations, mon père a virtuellement votre parole à tous, à tous, entends-tu, fit-il en scandant lentement ces deux mots, que vous ne ferez rien pour les entraver. Moi-même je serais impuissant à te protéger contre sa colère s’il apprenait que tu as essayé de faire échouer l’œuvre qui s’apprête. Si je te dis cela… c’est que je lis dans tes yeux.

— Qu’y lis-tu ?

— Tu te demandes comment tu pourrais faire parvenir un avertissement aux bâtiments français : crois-moi, ne l’essaye pas : d’abord tu échouerais, le rivage étant surveillé