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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/153

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l’Océan, et j’allais du Pouliguen à Pornichet d’une seule traite, à marée haute.

— Mais, objecta encore de Melval, en me soutenant avec la planche chavirée, j’arriverai quand même.

— Si vous n’avez pas l’habitude vous serez pris d’une crampe ou vous ferez du tapage ; et puis laissez-moi vous dire, mon capitaine, j’ai vu votre livret matricule… il y a dessus : Sait un peu nager. C’est suffisant.

— Curieux ! fit de Melval, qui ne put s’empêcher de sourire.

— Donc, reprit le lieutenant, c’est moi que le sort désigne. J’arrive, je trouve une corde, une chaîne, une amarre, je me hisse à bord sans être remarqué ni interpellé.

— Et si une sentinelle vous envoie un coup de fusil ?

— Elle me manquera, dit Zahner, et puis je n’ai pas ma langue dans ma poche, je crierai « France ! »

— Vous abordez, dit de Melval, et ensuite ?

— Ensuite je demande à être conduit auprès du commandant, à parler lui seul ; mais voilà, c’est ici que j’hésite : faut-il dire au commandant tout ce que je sais ?

De Melval réfléchissait.

Le cas était épineux.

Aller tout dire, c’était la trahison pure et simple, la trahison d’autant plus méprisable que le Sultan et son fils leur laissaient une liberté absolue, confiants dans leur serment.

Et de nouvelles perplexités les assaillirent.

— Non, fit de Melval, nous n’avons pas le droit de tout dire ; c’est insensé, mais c’est ainsi ; suppliez seulement le commandant de faire mettre ses filets, de se mieux garder, de prévenir son camarade, le commandant de l’autre bâtiment.

— Mais il préviendra tout le monde, dit Zahner ; ils sont tous solidaires là-dedans ; il ne peut pas agir autrement. Et ce sera comme si j’avais moi-même prévenu toute la flotte !

— Et ce sera l’échec certain pour le Sultan, dit de Melval. Tant pis, il n’y a pas à hésiter ; j’ai répugné à l’idée de les faire sauter, Omar surtout, mais notre devoir est de les faire échouer… ainsi donc…

— … Attention dit Zahner, dont les yeux, la nuit, voyaient comme ceux du chat ; nous avions des voisins que je ne