Aller au contenu

Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, mettant la flotte sur ses gardes, aurait singulièrement accru les difficultés de l’entreprise et en eût retardé l’échéance.

À minuit et demi le feu du Royal-Severeign s’éteignit à son tour, laissant la mer et la côte plongées dans une épaisse obscurité.

La flotte seule apparaissait maintenant dans le détroit avec une grande netteté ; les nombreux feux de couleur qui émaillaient la mer évoquaient l’idée d’un de ces portiques lumineux dressés aux jours de fête publique, et réfléchissant dans l’eau leurs arceaux colorés.

Alors, dans cette obscurité propice, le mystérieux travail des Noirs commença. Les innombrables barques mises à l’abri des tentatives de la flotte à l’intérieur des terres furent poussées vers le rivage par des milliers de bras ; les radeaux, véritables ponts flottants, construits dans les forêts voisines, et terminés dans les criques de la baie de Tadjoura, furent halés le long du rivage.

Avant même que la flotte eût disparu, les préparatifs du passage s’exécutaient.

 

Non loin de la falaise qui servait d’observatoire au Sultan, deux ombres cachées depuis la tombée de la nuit dans un bouquet de tamaris, sortirent de leur abri lorsque, vers onze heures, s’éteignirent les feux des vaisseaux.

Autour d’eux, également cachés dans l’épaisse broussailles, les plongeurs danakils attendaient l’heure fixée pour se mettre à l’eau : un mot d’ordre circulant rapidement entre les sentinelles de la falaise et jeté à haute voix le long du rivage devait leur servir de signal.

Un étranger qui eût débarqué là par hasard eût cru d’abord tomber sur un rivage désert, alors que tous les fourrés de la plage recélaient des centaines d’indigènes complètement nus, et que, bordant les hautes falaises, des milliers de guerriers attendaient, l’arme prête.

— Je ne puis tarder davantage, fit Zahner, car c’était lui qui, avec de Melval, était à cette heure de nuit sur le rivage. Si je ne prends pas l’avance sur ces mécréants, meilleurs nageurs que moi, jamais je n’arriverai à temps,