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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/164

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devaient surveiller attentivement tout débarquement de canots ; il était à prévoir, en effet, que de nombreux marins, échappant à l’engloutissement immédiat, pourraient mettre à l’eau les embarcations des navires et essayeraient de gagner la côte.

En prévision de cette tentative, le Sultan avait envoyé des messagers aux tribus des Hadinya, qui bordent le littoral de Massouah à Souakim, et aux Bicharin, tribu féroce qui s’étendait jusqu’à Kosseïr, afin qu’il ne fût fait aucun quartier aux naufragés qui tenteraient d’aborder plus au Nord.

Sur le rivage opposé de la mer Rouge, le cheik de l’Yémen, à qui de vigoureux nageurs avaient pu, de nuit, apporter les ordres du Sultan, avait pris les mêmes dispositions le long de la côte arabique.

Cheik-Saïd, ce territoire français qui, entre les mains d’une nation remuante et ambitieuse comme l’Angleterre, eût été la clef du détroit, puisque son rocher domine Périm de 60 mètres, à 4 kilomètres seulement de distance, Cheik-Saïd avait été enlevé presque sans coup férir par une poignée de fanatiques de la grande tribu de Tehamah et occupait le centre de la ligne gardée par les Arabes. Deux points seulement pouvaient donc servir de refuge aux futurs naufragés : l’ile de Périm elle-même, tenue par une garnison britannique, et Aden, l’importante colonie que l’Angleterre avait attachée au flanc de l’Yémen.

Encore ceux-là seuls qui pourraient se sauver en canot auraient-ils chance de gagner Aden, distant de Périm de plus de 90 milles anglais.

Vers onze heures du soir les feux des vaisseaux s’éteignirent ; seul le fanal tournant du Royal-Severeign projeta sur le rivage un faisceau intermittent.

Cette imprévoyance de la flotte européenne, quelques heures avant sa fin, prouvait que nul soupçon ne s’était fait jour dans l’esprit des alliés, qu’ils n’avaient aucune idée de la puissance des armées accumulées à quelques kilomètres d’eux, et que leur confiance dans leurs voisins turcs restait entière.

De l’observatoire favori, où il était venu ce soir-là attendre l’événement, le Sultan respira en voyant les fanaux s’éteindre l’un après l’autre, car il avait toujours redouté une trahison