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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/180

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éruption sons-marine qui plaquait de teintes carminées les contreforts de l’Haddali.

À la tombée de la nuit, en arrivant, il avait, des hauteurs de l’atmosphère, vu la flotte à l’ancre, insouciante du danger. À cette heure elle devait s’abîmer dans les profondeurs de la mer Rouge.

Au-dessous de lui, le camp était en pleine rumeur. Des appels rauques et précipités traversaient l’air, les noirs sortaient des tentes, se rangeaient au milieu des espaces laissés vides pour chaque bataillon, et à peine rassemblés se mettaient au pas de course en route vers le rivage.

La voix de Selim, une voix formidable à laquelle il devait d’ailleurs le plus clair de son autorité, dominait toutes les autres, appelant les raïs, insultant les retardataires.

Puis avec une rapidité que n’eût pas désavouée une troupe européenne, le camp se vida comme des serpents noirs se glissant dans le creux des roches, les compagnies s’engagèrent dans les dunes des falaises, bondissant au milieu des rochers, et le bourdonnement de cette ruche humaine décrut et s’éteignit.

Saladin n’avait pas quitté des yeux la tente de de Melval. Il s’attendait à le voir sortir, éveillé par cette rumeur soudaine, voulant se rendre compte du pourquoi de cette prise d’armes nocturne, et il se disait que, derrière lui, il allait voir une silhouette de femme s’encadrer dans la porte, s’offrir à ses coups.

Comme le félin prêt à s’élancer, il se baissa, se ramassa sur lui-même derrière le bordage, l’arme prête.

Mais la porte resta close.

À cette heure le pauvre de Melval joignait ses efforts désespérés à ceux de Zahner pour ébranler le rocher qui fermait sa prison.

Et Nedjma, pleine d’angoisses de ne pas le voir revenir, lui qui craignait tant de la laisser seule, Nedjma assise sur son lit, frémissait, silencieuse, n’osant parler à la pauvre Alima, étendue à ses pieds sur une peau de léopard, de peur que le son de sa voix ne trahît sa solitude.

Une demi-heure se passa coupée de détonations rapprochées, partant du rivage, et Saladin revenant à sa première