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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/183

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croyances aux fétiches puissants du pays des Achantis ; il invoqua les esprits qui flottent dans l’air, dans les eaux, dans les vapeurs nocturnes ; il supplia le génie des palmes et le bloc de diorite que l’on révère à Coumassi de lui rendre Alima, son Alima, dont le nom revenait à chaque phrase lugubrement modulé.

Soudain, comme il venait de soulever la tête de la morte, il poussa un grand cri : le sang, qu’il n’avait pas vu jusqu’à présent, traversait le haïk et s’étalait en une large tache que l’aurore commençait à teinter d’écarlate. Il comprit que tous les fétiches du monde ne pourraient la rappeler à la vie, et dès lors Saladin l’entendit gémir comme un enfant la face contre terre.

Tout à coup, il sembla à l’interprète que des voix connues se mêlaient aux gémissements du noir. Il chercha à voir quels consolateurs parlaient à Mata, mais il ne pouvait y arriver sans se pencher, c’est-à-dire au risque de se montrer, car ils étaient exactement au-dessous de la nacelle, et, si près de terre, il était impossible d’apercevoir la partie du terrain située exactement sur l’axe de l’aérostat.

Les plaintes de Mata cessèrent brusquement : le murmure des voix continua, causant à l’interprète un vague malaise, puis un cri qui n’avait plus rien d’humain monta vers la nacelle en même temps qu’une secousse ébranlait la corde de l’ancre.

Saladin eut la sensation qu’un danger montait vers lui : il se redressa vivement, se pencha et, à quelques mètres au-dessous de la balustrade, il aperçut le nègre qui grimpait comme un singe à la corde de l’ancre, le couteau aux dents.

Plus de doute : Mata connaissait le meurtrier silencieux de sa petite Alima.

Et ceux qui l’avaient fixé à cet égard n’étaient autres que les deux officiers français dont ses gémissements avaient attiré rétention au moment où ils rentraient tristement au camp.

Il leur avait suffi d’examiner la blessure, de voir le trou d’entrée de la balle, pour être certains que les nouvelles armes françaises seules étaient capables de donner une semblable empreinte.