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Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/187

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À ces noyés européens se mêlaient de nombreux plongeurs Danakils, de ceux qui étaient partis la veille, soit qu’ils eussent été surpris par les explosions dans un rayon trop rapproché des bâtiments, soit qu’un certain nombre d’entre eux eussent poussé l’héroïsme jusqu’à les provoquer eux-mêmes en brisant violemment les jarres contre l’acier des carènes.

La flotte internationale avait disparu.

Seuls les vaisseaux turcs émergeaient au milieu de ce désastre sans nom, tellement inattendu que pendant deux jours, malgré les dépêches des agences, on n’y voulut pas croire en Europe.

Lorsque enfin il ne fut plus possible de douter, une sourde terreur commença à se répandre dans tout le vieux monde.

Ce fut une révélation foudroyante.

Jusque-là les peuples avaient nié le mouvement panislamique ; endormies dans une trompeuse sécurité, les nations civilisées s’étaient efforcées de croire que le grondement déjà perceptible sur toute l’étendue du continent noir n’en franchirait pas les limites.

Et tout d’un coup il éclatait comme un coup de tonnerre réveillant les plus sceptiques.

Ces noirs qu’on s’était habitué à regarder comme une race condamnée, asservie ; ces musulmans qu’on déclarait finis, rebelles à tout progrès, incapables du moindre effort ; ces masses qu’on ne craignait pas parce qu’elles étaient désunies, montraient par deux coups terribles, à quelques mois d’intervalle, en Algérie et sur la mer Rouge, qu’elles étaient de force à tenir tête à leurs oppresseurs de la veille, et qu’elles avaient trouvé l’Élu capable de les diriger.

Grands et petits États eurent alors le sentiment très net que l’union seule était capable de parer le choc qui se préparait.

La destruction de la flotte internationale par des moyens insoupçonnés jusqu’alors, les ressources mises en œuvre par le chef de cette formidable poussée humaine, faisaient suffisamment prévoir que son action ne se bornerait pas à l’Afrique. Il ne se contenterait pas de jeter à la mer les Européens qui s’y étaient fourvoyés ; on sentait qu’il allait